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TEST · REVIEW · CRITIQUECONSOLE SEGA MEGA DRIVE (16-bit)


Au royaume d'EA, les manchots sont rois.

Budokan - The Martial Spirit

Budokan - The Martial Spirit

 

 Mega Drive

Développeur:
Electronic Arts

Editeur:
Electronic Arts
Genre:
Arts martiaux

Joueurs:
1-2P

Dates de sortie
1990 USA
12.1990 Europe
atroce Difficulté:

61%Graphismes
55%Animation
49%Son
19%Jouabilité
46%Durée de vie

32%32%

Ce n'était qu'un sbire, qu'un second couteau. Il avait fréquenté les allées sordides de rues violentes, celles des Black Warriors, des DragonNinja et d'autres. Aux mêmes tournants, il avait attendu le ou les héros, avec le vain espoir de les battre, rêvant au moment de sa victoire. A chaque fois il frappait de toutes ses forces, mais très vite les coups se retournaient contre lui et, grimaçant, il tombait, battu, vaincu. Le danger passé, il se relevait, se jurant de faire mieux la prochaine fois. Jamais il n'avait réussi. Il n'était que le sprite anonyme d'un beat'em up.

Mais un jour, un vieil homme était venu le trouver. Il avait vu quelque chose en lui, "du coeur", disait-il. L'homme, qui était un maître d'arts martiaux, voulait lui offrir une chance. Il était prêt à le prendre sous son aile, à l'entraîner pour en faire un champion et gagner le grand tournoi du Budokan. N'ayant rien à perdre, il avait accepté. Personne n'avait remarqué son départ. Peut-être un autre l'avait remplacé, quelqu'un qui lui ressemblait.

Il était arrivé au dojo Tobiko-Ryu, quelques stations de métro plus loin, dans la grande cité Sega Mega Drive. Une nouvelle vie s'ouvrait à lui. Un futur brillant, plein de promesses de gloire, croyait-il. Le vieux maître l'avait bien prévenu que l'entraînement ne serait pas de tout repos, mais ce coquin ne lui avait pas dit toute la vérité: il ne lui avait pas parlé de la maniabilité, une maniabilité pourrie comme il n'en avait jamais vu.

Maintenant, les jours où il essayait vainement d'avancer un pied sur le tatami mais se retrouvait soudain dans la pose de la grue, il se demandait si c'était vraiment du coeur que le maître avait vu en lui ou autre chose de moins flatteur. Et surtout, comment allait-il sortir de ce pétrin... il préférait encore se faire casser la figure par les frères Lee ou les Bad Dudes que de passer une minute de plus dans ce Budokan de 糞垂 !

La Terreur Venue de la Barre d'Espace

Il n'y a pas besoin d'être Einstein pour comprendre que Budokan - The Martial Spirit vient des ordinateurs. Déjà parce qu'il est fait par Electronic Arts, qui sur Mega Drive en 1990 ne faisait pour ainsi dire que ça: porter des jeux micro sur consoles, et sans trop se fouler sur le dit portage. Ensuite, il n'y a qu'à ouvrir ses mirettes, ses esgourdes et ses naseaux, ça sent le micro à dix kilomètres à la ronde. Regardez-moi ce graphisme linéaire, ces coups d'airbrush, ces couleurs un peu trop vives, qui ne font ni arcade, ni console. Ecoutez ces sonorités métalliques, c'est le processeur Mega Drive en pleine mauvaise imitation d'un Commodore.

Mais l'ultime confirmation vient évidemment de la jouabilité. C'est du clavier d'ordinateur écrabouillé dans une manette de console. Cela répond mal, très mal, plus qu'un gamin insolent qui vous enverrait paître dès que vous lui donneriez la moindre consigne.

— Fais un pas en avant.
— Nan, je préfère me tenir sur un pied.
— Frappe !
— Veux pas.
— Saute !
— Et pourquoi ?

Ce sale gosse désobéissant, ce morveux insupportable qui mériterait une paire de claques alors que c'est vous qui allez en recevoir à cause de lui, c'est la maniabilité de Budokan. Mais avant de nous y intéresser, voyons voir un peu ce Dojo.

Dojos et Dragons

Un dojo est un lieu pour pratiquer les arts martiaux; cela peut être une salle, ou, comme dans le jeu, un établissement. C'est un peu comme le gymnase chez nous. Le dojo Tobiko-Ryu se compose de quatre salles, où l'on s'entraîne à autant de disciplines, tout seul ou contre l'un des trois sparring-partners, offrant chacun un niveau de difficulté différent. Il y a aussi une zone de combat extérieure, avec toutes les discipline réunies, et surtout la possibilité d'affronter un second joueur. Enfin, en haut, au sommet des marches, se trouve la demeure du maître, qui nous abreuve de proverbes chinois tirés du vénérable ouvrage "10 000 citations motivantes pour les sages débutants" par le docteur Pi Pi O Li.

Si l'on franchit le portail tout en bas, on se retrouve illico dans le Shinkansen (le TGV japonais) faisant route vers le Budokan, qui existe vraiment. C'est une arène prestigieuse qui se trouve au coeur de Tokyo, dans le quartier de Chiyoda, et où se déroulent les grands tournois d'arts martiaux mais sert aussi de salle de concert (Made in Japan, Deep Purple, 17 août 1972 !). Et ici apparaît la plus grande qualité de Budokan: sa fidélité à la réalité. Ce n'est pas un de ces produits américains qui occidentalise le Japon par ignorance et paresse. Sans surprise, c'est parce que le créateur du jeu original, Michael Kosaka, est américano-japonais.

Le dojo permet donc de jouer à deux et de s'entraîner. En réalité, il est surtout là pour une chose: tenter de nous familiariser, et même de nous habituer, à cette épouvantable maniabilité. C'est impossible, mais c'est gentil d'essayer. Car autrement, la dojo n'a aucune utilité. L'entraînement n'est pas indispensable et n'apporte rien. Si vous voulez vous jeter dans la gueule du lion et allez au Budokan pour faire vos armes sur place, rien ne vous en empêche, et vous ne serez pas plus désavantagé que si vous passez cinquante heures à faire des moulinets et miauler comme Bruce Lee sur le tatami du dojo.

La Maniadébilité

Les quatre arts qu'on nous demande de maîtriser sont le kendo (sabre), le bō (bâton), le nunchaku et la seule discipline sans arme, le karaté. Au Budokan, les douze adversaires qui nous attendent maîtrisent chacun une de ces techniques. Pour les battre, le joueur a la liberté de choisir celle qu'il lui convient, mais sans pouvoir se servir plus de quatre fois de la même. Pour nous obliger à varier, évidemment. Les combats sont en tout cas mixtes, ce qui est assez étonnant et aurait pu être agréable, si seulement la maniabilité n'était pas ce qu'elle est.

Nous y voilà. Plus de faux-fuyants. La mania bibidibou bibidiba bilité. La première chose que l'on fait dans tout jeu avec un protagoniste est d'appuyer sur la croix de direction pour avancer. Lorsqu'on fait ça dans Budokan, on n'avance pas. Vous pouvez recommencer autant de fois que vous voulez, vous ne ferez pas un pas. Le seul moyen pour bouger est d'appuyer sur la diagonale bas-droite ou bas-gauche. Presser une direction en allant ensuite vers le bas ne marche pas non plus: il faut viser précisément la diagonale. La maniabilité est de travers. Ce n'est pas juste un reproche, c'est un fait !

Maintenant, appuyons sur A, B ou C pour frapper. Car c'est un jeu de combat, donc logiquement les boutons d'action servent à frapper. Mais même chose que précédemment: il ne se passe rien ! C'est parce que pour porter un coup, il faut obligatoirement combiner le bouton avec une direction ou une diagonale. Mais quelle est la différence entre A, B et C ? Eh bien il n'y en a pas, ils accomplissent exactement la même chose ! C'est la direction et l'ordre seuls qui changent le type de coup, qui du bouton ou de la direction vient en premier ! La Mega Drive n'a que trois boutons, les auteurs ont décidé que c'était trop.

Les directions horizontales ne servent en fait qu'à prendre des poses. Le saut en avant ou en arrière, lui, fonctionne si on est déjà en train de sauter mais pas si on marche; il faut encore faire appel à la diagonale ! En outre, les boutons répondent mal. Certains coups nous obligent à réappuyer voire à les matraquer, comme pour l'attaque sautée. Ajoutons encore que chaque coup consomme de l'énergie (stamina) qui est aussi notre barre de vie, alors que le ki correspond à notre puissance et se remplit doucement lorsqu'on pare ou qu'on est au repos. Le saut aussi puise de l'énergie et s'enclenche à répétition. Et plus la stamina baisse, plus nos coups ont de mal à sortir. Comprenez: la maniadébilité devient encore plus débile.

If Budokan, So Can I !

(Si Budo peut, je peux aussi) Mais en fait, non. Car le vrai combat finalement est contre la maniabilité. Et c'est un combat que vous ne gagnerez pas. En jouant, vous vous améliorerez évidemment, mais pas la maniabilité, elle restera toujours aussi infecte. Si on ne peut la battre, ni la combattre, alors il n'y a plus qu'à se rabattre. Se rabattre sur d'autres éléments, tels que le graphisme, à peu près convenable, le son, avec des cris digitalisés, plutôt réussis pour l'époque et sur ce support. L'animation, non, elle est presque aussi laide que la jouabilité, hachée au possible, ni la musique, qui grince comme des outils de travail rouillés. Et s'il y a des cris, il n'y a aucun autre bruitage !

Vous voyez, il n'y a même pas de quoi se rabattre. Pour couronner le tout, la difficulté est abusive, avec l'ordinateur qui se recharge abondamment en vie durant le match, bien plus vite que le pauvre humain en face. Parfois, sa barre est plus haute peu après un coup qu'avant: c'est parce qu'il a déjà récupéré ! Ce n'est pas très catholique tout ça. Peut-être une fause impression, mais la difficulté semble avoir été encore un peu augmentée par rapport aux versions micro. L'écran de fin en revanche a été supprimé au profit d'un développement du scénario. Bof.

Et le mode 2 joueurs ? Si vous voulez voir deux handicapés mentaux et physiques se battre, c'est un peu le spectacle que cela donne (je précise bien que je ne dis pas cela contre les personnes handicapées; d'ailleurs, je pense qu'elles ont peu d'occasion de se battre, et si elles le font, eh bien, qu'elles soient raisonnables et qu'elles arrêtent immédiatement !).

Champion Morpion

Vous lirez certainement des avis positifs sur Budokan, des amateurs pourront même vous en vanter les mérites. Ils vous diront par exemple que ce n'est pas juste un jeu de baston, que c'est une simulation de combat. Ne les croyez pas. Ne les écoutez pas. Certains joueurs voient dans ces jeux dotés d'une jouabilité effroyable une sorte de bénédiction, de difformité magnifique, qui place ceux qui les maîtrisent au dessus du commun des mortels, comme une invitation à l'élitisme. Il y a aussi ceux qui ont grandi avec la cartouche et qui y trouvent un plaisir familier qu'ils croient pouvoir différencier de la nostalgie.

Mais dans le fait, Budokan n'a rien d'un chef-d'oeuvre caché ou d'une simulation, il est juste abominable à jouer. Il ne possède même pas les subtilités qu'on voudrait lui prêter. Essayer de jouer intelligemment est le meilleur moyen de se faire massacrer. Pour gagner, il faut utiliser les techniques véreuses du plus commun des jeux de baston: le même coup à répétition, des astuces à deux balles pour gagner du temps. Toutes les préparations du dojo sont inutiles. On ne peut pas être au même niveau que l'ordinateur qui n'a pas à se débattre avec une configuration de boutons ridicule. On est sur son terrain. Lui pare un coup en levant le petit doigt, pendant qu'on saute comme une grenouille en appuyant sur tous les boutons juste pour essayer de mettre un pied devant l'autre.

Si vous voulez de la vraie simulation de combat, jouez à Street Fighter II. C'est maniable, vif, intuitif et plein de sensations fortes, comme si vous étiez un champion d'arts martiaux. Dans Budokan, le mieux est encore de passer en touriste, comme une visite virtuelle du Japon: jeter un oeil aux différentes sections du dojo, admirer le mont Fuji depuis le Shinkansen, monter sur le tatami de l'arène pour se sentir brièvement dans la peau d'un karatéka et puis repartir avant que cela tourne au drame. Dix minutes, c'est tout ce dont vous avez besoin.

Epilogue

Après sa soixante-dix-huitième défaite contre Ayako Maruyama, notre sprite anonyme s'est échappé et est reparti dans les quartiers mal famés jouer les mauvais garçons (dans Double Dragon II, je crois). On dit que l'expérience l'aura tellement traumatisé qu'il en porte encore les séquelles (on le voit parfois qui se comporte bizarrement, s'arrêtant pour regarder dans le vide ou partant dans la mauvaise direction, avançant obstinément contre le bord de l'écran).

Tobiko-sensei, le vieux maître, l'a cherché dans tout le Budokan, sans succès. Il est allé jusqu'à faire le mourant pour l'inciter à venir à son chevet, mais personne ne s'est présenté. Après avoir longtemps pesté, il est retourné à la recherche d'un candidat. Il aurait même élargi son champ aux jeux de plates-formes; on dit l'avoir vu qui tentait de persuader un Koopa Troopa. Si après une défaite un vieil homme vient vous voir, s'il dit qu'il sent que vous avez du coeur et qu'il veut faire quelque chose pour vous, amis sprites, n'acceptez pas ses bonbons aux algues. Prenez vos jambes à votre cou, et fuyez, FUYEZ ! aussi loin que la croix de direction peut vous porter.


P.S. : Personne ne trouve que Tobiko-sensei ressemble à Ho Chi Minh ?

le 12 février 2016
par sanjuro



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