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TEST · REVIEW · CRITIQUECONSOLE SUPER NINTENDO (16-bit)


Deux niveaux, et puis adieu !

Battletoads in Battlemaniacs

Battletoads in Battlemaniacs

バトルトード イン バトルマニアック
 

 Super Nintendo

Développeur:
Rare

Editeur:
Tradewest
Genre:
Action

Joueurs:
1-2P

Dates de sortie
06.1993 USA
12.1993 Europe
07.01.1994 Japon
trop dur Difficulté:

86%Graphismes
87%Animation
80%Son
84%Jouabilité
75%Durée de vie

64%64%
Trucs et astuces

5 vies, 5 continus

Au début du jeu, maintenez enfoncés A, B et Bas et appuyez sur Start. Si la manipulation est réussie, le drapeau clignotera rouge.

Ce qui a peut-être le plus changé dans le paysage culturel d'hier et d'aujourd'hui, c'est l'audace et le ridicule. On a une telle peur du second qu'on a préféré remiser le premier. Cela n'empêche pas les concepts idiots d'exister, bien au contraire, ils fleurissent avec une ardeur jamais vue jusqu'ici comme en témoignent les Rock Band et autres Wii Fit. La différence est qu'il leur faut désormais avoir l'air cool, être à la mode, tout est une question de style et d'apparence. Même si le principe derrière est pauvre ou stupide, tant que le style est incisif et moderne, les apparences sont sauves et le produit peut être commercialisé en toute sérénité.

Dans les années 80 et au début des années 90, avant que cette révolution marketing ne vienne suffoquer l'innovation par derrière, on se souciait moins du ridicule. On n'hésitait pas à expérimenter avec les idées les plus folles, à donner libre cours aux visions les moins conformistes. Un courant créatif héritier des cartoons américains du début du siècle avait lui comme fantaisie de transformer les animaux en justiciers anthropomorphes: les chiens jouaient aux mousquetaires et à Sherlock Holmes, les tortues devenaient ninja, les souris se prenaient pour des Hell's Angels, les crapauds pour des guerriers, les cochons pour des chevaliers, les renards et les aigles s'envolaient dans l'espace.

De nos jours, personne n'oserait créer de tels hybrides. Les animaux ont été rendus à leur nature de créatures mignonnes qu'on élève dans des simulations et les rôles d'humains sont tenus par des hommes. L'imagination doit se tenir bien sage si elle ne veut pas être à la merci du ridicule ! Mais pour trois crapauds, il est clair que ce conseil d'ami n'est rien d'autre qu'une menace mal dissimulée signée Silas Volkmire, cet ennemi néfaste. Et ce genre d'intimidations, ils les reçoivent comme elles le méritent, à coups de poings, de pieds et de coassements. Ribbit, ribbit !

Volkmire, parlons-en. Les Battletoads sont invités à la base de Gyachung-La, dans les montagnes de l'Himalaya (juste à droite de Shangri-La), pour assister à une démonstration par le professeur T-Bird de TRIPS, un univers de jeu virtuel développé par les industries Psicone. Durant la présentation, des hommes-cochons jaillisent de l'écran et kidnappent la fille du président de la compagnie, Michiko Tashoku. En tentant de voler à son secours, l'un des Battletoads, Zitz, est assommé et capturé à son tour. Silas Volkmire et la Dark Queen se sont alliés pour faire de la planète leur univers de jeu ! Ce scénario d'une profonde débilité qui introduit de nouveaux noms comme si on les connaissait de longue date ne semble là que pour justifier les caractéristiques du game design: 2 Battletoads au lieu de 3, des niveaux sans queue ni tête et bien évidemment un but, celui de délivrer des prisonniers (cela a si peu d'importance que ce n'est même pas montré à la fin).

Des crapauds aux noms acnéiques, il ne reste plus que Pimple et Rash. Rash, c'est le petit vert avec des lunettes de soleil et un sourire de star. Pimple, c'est le gros costaud, un peu lent (faut pas le presser, autrement ça va gicler). Contrairement à leurs confrères à carapace, les Battletoads n'ont pas d'armes et se servent uniquement de leurs membres nus. Ceux-ci sont en réalité des armes redoutables car ils ont la faculté de prendre des formes énormes et exagérées comme dans un dessin animé: le poing devient enclume, le pied une énorme godasse cloutée. Au départ, cette version Super Nintendo mise à fond sur ce talent et en met plein les mirettes avec ses gros sprites et leurs appendices fantaisistes surdimensionnés venant s'écraser bruyamment dans la graisse molle des Psyko Pigs.

Mais cela n'est malheureusement qu'une étape. Avant de voir ce qu'il y a de malheureux là-dedans, il est bon de comprendre où se place ce Battlemaniacs dans la courte carrière des crapauds bagarreurs. Le premier jeu Battletoads est apparu sur NES en 1991, au moment où la popularité des Tortues Ninja était à son apogée et leurs droits d'adaptation serrés fermement par les mains farfouilleuses de Konami. Désireux de s'essayer à cette mode, Rare créa par ses propres moyens des personnages similaires, moins bien définis mais plus vigoureux, parfaits pour un jeu vidéo. Il y a de nombreux points communs entre les versions NES et Super Nintendo, suffisamment pour que l'impression initiale d'avoir affaire à une suite soit progressivement remplacée par la conviction d'être en présence d'une adaptation 16 bits du jeu original.

L'histoire est différente mais les aboutissants sont les mêmes: secourir une captive et un Battletoad en battant l'Evil Dark Queen. Et surtout, si des 12 niveaux de la version NES il n'en reste plus que 6, tous sont bâtis sur le modèle original, reprises parfois incomplètes, d'autres fois complétées, de ses niveaux variés. C'est là aussi que se situe sa grosse faiblesse. Certes, c'est une définition un peu trop réductrice mais on pourrait dire qu'avec Battlemaniacs, Rare a choisi de sélectionner le pire de Battletoads, ses passages les plus frustrants et les moins agréables à jouer. Le jeu Super Nintendo avait été assez bien reçu à l'époque, moi-même j'en avais eu une bonne impression, mais cela tient à une chose toute simple: critiques comme joueurs, ceux qui l'avaient essayé l'avaient jugé d'après ses deux premiers niveaux, à défaut d'avoir pu voir le reste. Dans un cas comme celui-ci où chaque niveau est rigoureusement différent du suivant, porter un avis définitif sur un tiers, sans même nécessairement savoir la portion du jeu que cela représente, équivaut à théoriser avec l'inconnu et prendre ses désirs pour des réalités.

Les deux premiers niveaux sont bons. Le début se joue comme un beat'em up, ce qui a pu faire croire à certains (moi le premier, pendant quinze ans) que Battlemaniacs est un beat'em up. Grave erreur en réalité puisqu'il n'y a aucun autre niveau comme lui. Dans un paysage volcanique avec de grandes plates-formes changeantes faites de lave durcie, on fait la peau à des squelettes, sans laisser le temps aux vils cochons de faire de vieux os. Il n'y a aucune technique derrière la maniabilité, ce qui en soi est un argument contre la classification beat'em up; les super attaques, marteau et sabot géants, cornes de bélier et autres jambes en masse d'arme, sont produites automatiquement quand le coup de grâce est porté et choisies en fonction de certains facteurs (saut, charge, ennemi au sol...).

Un imposant porc en pierre (de chez Pier Import ?) nous attend au bout du niveau. Ce sera le seul boss du jeu avec la pétulante Evil Dark Queen, tout à la fin. Une petite paire de boss qui est de mauvais augure pour la richesse du contenu. Après avoir découvert les difficultés de la charcuterie à base de roche, le brave crapaud s'enfonce dans un puits naturel qui ressemble à l'intérieur d'un gigantesque tronc d'arbre. Ce niveau entièrement vertical avec, comme moyen de locomotion, une soucoupe volante sous nos pieds palmés est de l'action classique. Les coups spéciaux sont toujours présents mais différents et moins nombreux, l'un des plus cool consiste à s'accrocher à une paroi pour jeter avec ses pieds la soucoupe dans la face d'un monstre. Par moments, le puits se resserre, et l'on doit naviguer entre des pointes, comme à la fin où cela va vite et devient dur.

Après vient un niveau bonus, que l'on retrouve aussi avant le dernier niveau, qui est censé nous aider à gagner des vies supplémentaires pour surmonter les prochaines difficultés. Monté sur un pion de jeu de dames, on glisse, le scrolling aidant, sur un damier ultra-poli où il faut ramasser le plus de quilles ou de dominos possibles. Il y a des obstacles qui viennent réduire nos gains et nos chances de continuer. Ces passages sont assez longs et pourraient presque être considérés par une âme charitable comme des niveaux à part entière. Malheureusement, nous ne sommes pas charitables. Surtout que le troisième niveau n'incite pas à l'indulgence et aux bons sentiments. C'est le tournant du jeu, là où il se casse la gueule, le cul bien en l'air, et tout ce qu'il trouve à dire c'est: "LOL !"

Les crapauds sont désormais de tout petits sprites et chevauchent des scooters des airs. Il ne s'agit que d'une course d'obstacles où l'on doit éviter des haies de pierre et franchir des tremplins. Mais cela va tellement vite et la difficulté est si élevée que sous ses apparences anodines ce niveau devient le tombeau de la jouabilité. Il est divisé en 5 sections à difficulté croissante mais où le mot d'ordre reste le même: un obstacle, une vie en moins. Et ça ne pardonne pas. A deux, à moins d'être d'un niveau identique et que celui-ci soit excellent, ce n'est même pas la peine d'essayer. Si l'on enrage, ce n'est pas juste à cause de la frustration d'être coincé dans une course aussi bête, c'est à cause de sa nature même. Qu'est-ce que cette séquence étrange, qui tranche si nettement avec le reste, vient faire là ? Elle ressemble plus à un bonus stage que le niveau en question, celui d'avant !

Pour tout dire, jusqu'ici, ces niveaux suivaient l'ordre de la version NES. Il y a pas mal de différences entre eux, sur Super Nintendo ils ont tendance à être plus longs et sur 8 bits plus variés, mais l'esprit est le même: combat, descente, course. Quant aux trois niveaux suivants, ils reprennent eux respectivement les niveaux 6, 11 et 10 de la version NES. Les sprites ont retrouvé leur taille normale maintenant et l'on doit circuler à dos de serpents (des couleuvres grosses comme des anacondas, quoique nous ne sommes que des batraciens) dans des parcours difficiles jonchés de pointes et remplis de méandres. Comme le niveau précédent, c'est un passage qui se négocie lentement, à grand renfort de mémoire, car connaître à l'avance le trajet des reptiles aide grandement. On pourrait faire aussi remarquer que ce n'est pas sans rappeler les plates-formes mécaniques de Super Mario World, mais l'idée venant de Battletoads NES, on ne saurait dire exactement qui a influencé qui...

Le cinquième niveau est de nouveau une course et de nouveau elle possède son gameplay propre. Il s'agit cette fois d'échapper à un rat punk armé d'une scie circulaire qui tente de trancher le vélo monté sur rail dont on se sert. Le truc est d'appuyer sur le pad dans la direction où l'on fait face. Et de nouveau, donc, un principe tout bête qui ne se déroule pas aussi simplement que prévu. Que diriez-vous à présent... d'une petite course ? Quoi, encore !? Mais oui, Rare ne s'en lasse pas. Quant au joueur, on ne lui demande pas son avis, n'est-ce pas ? La séquence verticale qui conclut le jeu n'a rien à voir avec celle du second niveau, il y a bien quelques ennemis à frapper mais l'essentiel est d'arriver en bas de la tour avant un rat qui court plus vite qu'un de ces fameux athlètes dopés.

Marre ! En supposant qu'on ait le talent et la patience nécessaires pour franchir le troisième niveau, ce qu'on trouve ensuite est vraiment une piètre motivation et la pire des récompenses. Après deux premiers niveaux prometteurs, le jeu ne prend pas la direction espérée et s'enlise dans des séquences ennuyeuses et difficiles, mauvaises greffes du Battletoads original. On a du mal à comprendre ce qui s'est passé dans la tête des auteurs, pourquoi Battlemaniacs a pris cette étrange tournure. La diversité de gameplay des 6 niveaux joue entièrement contre lui, lui donne des allures de — mot insoutenable — de mini-jeux. On ne peut pas dire qu'il soient mini mais l'intérêt en est tout aussi limité et n'a rien à voir, par exemple, avec des phases de gameplay différent que l'on trouve dans les beat'em ups Konami (TMHT 4, Batman Returns) ou certains jeux d'action Sega.

Rare avait-il l'intention d'adapter sérieusement Battletoads sur Super Nintendo, avant d'être contraint de réduire leurs ambitions lors du développement ? Ou peut-être s'agissait-il d'un produit de commande pour Tradewest, l'éditeur de la série ? Quelle que soit la raison derrière ce résultat, le coeur n'y était pas. Malgré tout, c'est un assez beau jeu techniquement, l'animation du premier niveau, avec ses coulées de lave sur plusieurs plans, est impressionnante, tandis que le bonus stage, le décor de fond de la première course et l'antre des serpents sont un régal pour l'oeil. Il y a aussi l'intro, qui est longue, et de bonnes musiques rock comme celle en trois mouvements du second niveau qui va crescendo. A l'inverse, certains décors manquent de vie et de profondeur, on a du mal à imaginer l'univers Battletoads, et l'absence de bruitages dans certaines phases soutient la théorie d'un jeu précipité.

Nos amis anglais avaient tout de même une excuse de taille: les Battletoads étaient leurs tout premiers jeux sur Super Nintendo (celui-ci et celui avec Double Dragon). Contrairement à d'autres développeurs comme Konami, Sega, Capcom, dont les productions en arcade aidèrent au passage sur consoles 16 bits, Rare ne travaillait que sur 8 bits. Le changement pour eux dut être beaucoup plus brutal, un jeu 16 bits demandant plus de temps et de ressources, notamment graphiques, comme en témoigne ce Battlemaniacs. Peut-être n'étaient-ils pas prêts. Et puis, Rare conservait certaines de ses habitudes 8 bits, comme la difficulté, la simplicité du gameplay, qui pouvaient devenir vraiment mauvaises ici. Pour eux, le tournant vint avec leur jeu Super Nintendo suivant, Donkey Kong Country. En travaillant avec Nintendo, ils apprirent beaucoup, notamment à doser la difficulté et à développer leurs personnages, mais cela est une longue histoire que nous vous raconterons un autre jour.

le 9 octobre 2009
par sanjuro



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