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TEST · REVIEW · CRITIQUECONSOLE SUPER NINTENDO (16-bit)


Le treizième travail d'Hercule : les Affres de la Médiocrité.

Gods

Gods

 

 Super Nintendo

Développeur:
The Bitmap Brothers

Editeur:
Mindscape
Genre:
Action

Joueurs:
1P

Dates de sortie
12.1992 USA
1992 Europe
très dur Difficulté:

81%Graphismes
84%Animation
70%Son
69%Jouabilité
80%Durée de vie

73%73%
Trucs et astuces

Mots de passe:

Monde 2 : SD1
Monde 3 : MGB
Monde 4 : BMH

En croisant des gens dans la rue, on s'amuse parfois à deviner qui ils sont, juste d'après leur apparence. Celui-ci n'est pas d'ici, celle-là appartient à tel milieu. Avec les jeux vidéo, c'est un peu la même chose. Prenez le jeu du jour : d'un simple coup d'oeil, on devine qu'il n'a pas été créé pour la Super Nintendo, à laquelle il ne correspond pas, pas plus que Cannon Fodder ou Jim Power. Un oeil averti repérera en outre que le graphisme n'est pas japonais, et probablement pas américain non plus.

Pour les joueurs venus des ordinateurs, bien sûr, ce ne sera pas une révélation. Qui n'a pas entendu parler de Gods, le jeu populaire sur Amiga des Bitmap Brothers, les développeurs anglais du décapant Speedball ? Eux vous parleront avec ferveur de leur jeu bien-aimé (il faut voir la page Wikipedia France, savamment élogieuse). Les joueurs sur consoles en revanche auront plus de mal à être convaincus. Non pas que les conversions Super Nintendo ou Mega Drive soient mauvaises, non, mais pour ce public-là, les jeux d'action-aventure ont une autre saveur.

Gods a pour décor la Grèce antique, mais une Grèce passée à la moulinette des Bitmap Brothers, pour ressortir avec les thèmes qui les branchent : la fureur shoot'em up et l'heroic fantasy musclée, façon Conan, dont on perçoit l'influence jusque dans le dessin de couverture par Simon Bisley (Sláine, Lobo). L'architecture est plus ou moins grecque, les personnages plus ou moins cimmériens et l'action, similairement, plus ou moins shmupesque.

Notre héros, qui est parfois présenté comme Hercule et d'autre fois comme un anonyme, relève un défi des dieux afin d'acquérir l'immortalité, qui lui permettra de se joindre à eux sur le mont Olympe. Pour remporter ce prodigieux prix, il doit libérer une cité des monstres et des 4 gardiens qui l'occupent. Quatre mondes de trois niveaux chacun, 12 épreuves, sans rapport pourtant avec les fameux travaux. Les frères Bitmap ont d'ailleurs inversé l'appellation dans le jeu : on traverse des mondes contenus dans des niveaux, ce qui prête à confusion.

Ou plutôt devrais-je dire, qui ajoute à la confusion générale, car Gods est loin d'être d'une limpidité exemplaire. De nombreux items sont offerts : armes, pierres précieuses, clefs, recharges et pouvoirs. A chaque nouvelle acquisition, une description défile tout en bas de l'écran. Tous les messages s'affichent de cette façon sommaire. Il ne vaut mieux pas les rater, car des informations cruciales nous sont parfois communiquées.

Certains items peuvent se stocker dans les cases en bas. Et c'est là que le gameplay fait paraître son vilain museau. Il y a quatre cases, mais vous ne pouvez stocker que trois items. Pourquoi ? Aucune idée ! Mais quand vous ramassez un objet, vous devez appuyer deux fois, la seconde pour déplacer le curseur sur une case vide, autrement il retombe. On est atterré par la débilité de ce système. Les joueurs Amiga ont-ils vraiment dû subir ça ? Il y a de quoi rire ! Sauf que maintenant c'est à nous d'en faire les frais.

Chaque niveau contient de nombreuses clefs. Cependant, elles n'ouvrent aucune porte ! Certaines déverrouillent des coffrets remplis de trésors, mais la plupart activent en fait des leviers, qui eux contrôlent l'ouverture des portes. Pourquoi faire simple, etc. Les leviers sont la mécanique de jeu principale, avec aussi les trappes. Par contre, les items bonus ont le bon goût de ne jamais disparaître. Mieux encore : tous restent là où ils tombent ou on les dépose. Cette mémoire s'applique aussi aux monstres : une fois occies, les créatures ne reviennent plus.

Remarquables atouts me direz-vous, et je suis d'accord, mais il faut voir aussi ce qu'on nous envoie. Les monstres ont une fâcheuse tendance à se matérialiser n'importe où, y compris sur vous si vous êtes mal placé, et à débarquer en groupe. Si vous ne les éliminez pas très vite, ils commencent à tirer, ce que vous voulez éviter à tout prix. Il suffit de se baisser pour que le tir nous manque, mais alors, c'est nous qui ne pouvons plus riposter : on se retrouve aux commandes du curseur des items ! et quand on se relève, l'ennemi s'est rapproché et a enchaîné un autre tir.

En résumé, si l'on ne détruit pas la créature avant qu'elle et ses confrères aient attaqué, on est submergé en un rien de temps, rentrant dans les monstres, dans les tirs, lançant ses armes et lâchant ses clefs comme si on était pris de colique serrurière. C'est un pli à prendre, mais pas un pli facile, et la moindre incartade nous vaut des pertes anémiques d'énergie. Quasiment tous les combats se livrent avec cette pression.

Toujours dans le registre « c'est mes pieds qui puent ou c'est ton game design ? » , les coups que l'on reçoit et que l'on inflige ne sont pas marqués visuellement, comme ils le sont habituellement dans les jeux consoles. On ne sait pas si l'ennemi souffre et on ne remarque pas toujours non plus quand ça nous arrive, ce qui peut avoir moult conséquences néfastes. Idéalement, il faudrait s'en remettre au son, mais dans la cacophonie qui règne, on a du mal à s'entendre crier. Les chutes par exemple sont marquées d'un « aïe » qui permet de connaître la hauteur coupable.

On ne nous fait pas de cadeaux, et cela, ajouté aux nombreux défauts de gameplay, rend Gods particulièrement peu accueillant. En fait, il ne commence à devenir agréable qu'à partir du moment où l'on connaît chaque recoin de ses niveaux, lorsqu'on peut anticiper les monstres avant leur apparition. Mais même ainsi, le jeu reste difficile car il y a toujours ce facteur dérapage lié aux combats, aux pièges; la moindre erreur peut coûter très cher.

Heureusement, pour défendre sa peau, notre héros a... ses mains ! Avec son visage masqué, ses bras nus bardés de muscles et ses poings qui s'agitent, il est un peu un Rick hellénique. Mais même Rick attrapait une arme de temps en temps; pas lui. C'est qu'il n'en a pas besoin : les tirs sortent de son corps comme du canon d'un vaisseau spatial, diffus et soutenus. Couteaux, shurikens, masses d'arme et d'autres composent son arsenal. Il peut avoir d'un à trois tirs et en modifier le degré d'ouverture avec d'autre items, y ajouter des bombes (Hunter) et des missiles (Fireball), ou leur équivalent.

Plus tard, il a même la possibilité d'acquérir un « familier », c'est-à-dire une créature à son service, dans le cas présent, un oiseau de proie, qui se comporte, pour reprendre du vocabulaire de shoot'em up, comme un vaisseau à tête chercheuse. On peut même améliorer son efficacité avec deux items. C'est un peu incongru de voir un flot de projectiles s'échapper d'un bonhomme qui agite son bras rythmiquement, et ce n'est pas toujours aussi radical qu'on pourrait l'imaginer, mais cela lui donne en tout cas un style.

Mais moins que le héros, ce sont les ennemis qui étaient mis en avant à l'époque, dans les publicités et les tests. Ils disposent soi-disant d'un « système révolutionnaire d'intelligence artificielle » et sont capables de réagir aux situations. Certains d'entre eux viennent nous chercher en sautant sur les plates-formes, c'est vrai. Mais hormis les voleurs, qui s'emparent des items et repartent avec, on ne peut pas dire que les ennemis éblouissent par leur ruse. Sur Super Nintendo, on ne voit pas en quoi ils sont différents d'autres jeux (ou même du test précédent). Et puis de toute façon, vu le danger qu'ils représentent, on est pressé de les détruire : la subtilité dont ils sont censés faire preuve est totalement incompatible avec le type d'action lapidaire qu'impose Gods.

Avec les influences multiples qui le composent, on pouvait se demander à quoi ressemblerait sa bande son. Des mélodies gréco-romaines, à la Columns ? Ou plutôt des hymnes guerriers, rugissants ? A moins d'opter pour un rock en cadence avec le déluge de tirs ? Eh bien, finalement, rien de tout cela. Ils auront choisi une techno anglaise impersonnelle comme elles le sont toutes, par un « groupe » vite dissolu, qui devient de plus en plus insipide et saoulante au fur et à mesure que l'on avance. Non seulement elle ne va bien avec aucun des trois modèles de Gods, mais même individuellement elle n'a pas grand attrait.

Le graphisme est plus inspiré. Ou du moins, il semble l'être, parce qu'il regorge de détails. Mais il regorge aussi de répétitions. Le marbre et les ornements ont beau changé, cela reste toujours de la pierre, un coup verdâtre, un coup bleuâtre. La géométrie carrée des niveaux affecte tout, y compris leurs occupants : les bêtes cornues, les oiseaux monstrueux et même le hoplite, le soldat grec, semblent tous taillés dans un bloc. Cela en devient ridicule.

Reste l'animation, fluide, nerveuse dans les mouvements, fantasque dans les explosions, mais c'est elle aussi qui augmente les temps de réaction du héros, et donc, gâte un peu plus la jouabilité.

Ajoutons encore la présence d'un marchand au début des niveaux, qui vend tous les items, y compris des rares, et celle moins bienvenue de bugs — de vrais gros bugs : la salle des gemmes qui ne répond pas, des items inaccessibles sous un mur invisible... Il y en a d'autres.

Les quelques « énigmes » de Gods sont toutes relativement simples. Ramener tel objet à tel endroit, à des personnages qu'on ne voit jamais; retrouver des clefs pour progresser; abaisser et relever des leviers... la routine. On ne se creuse pas beaucoup la tête, on visite et le hasard fait généralement le reste. Seules les salles au trésor demandent un peu plus d'ingéniosité... ou de chance.

Ce n'est pas déplaisant, mais les douze niveaux sont conçus sur un même modèle, restreint, étouffé, qui est peut-être formidable pour les amigaistes, les ataristes, les pécéistes, mais qui pour les consoleux que nous sommes, habitués aux coups d'éclat, aux sursauts spectaculaires, à des jeux d'action variés et des jeux d'aventure haletants, fait un peu fade et suranné. Le gameplay vaguement pénible, punitif, n'aide pas non plus à s'immerger, ni à trouver un plaisir décidément bien élusif.

Que la mythologie grecque ait inspiré aux Bitmap Brothers une aventure aussi peu épique démontre deux choses : que Gods n'est probablement pas le grand jeu qu'on avait voulu nous faire croire à l'époque, et que l'avenir de ses concepteurs était déjà tout tracé. La Pythie ne voyait aucun futur pour les Bitmap Brothers, qui périclitèrent après le milieu des années 90 et recyclent depuis leurs plus grands hits.

le 31 mai 2019
par sanjuro



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