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TEST · REVIEW · CRITIQUECONSOLE SUPER NINTENDO (16-bit)


La lente, la très lente épopée du roi Arthur et des chevaliers de la console peu ronde.

King Arthur's World

King Arthur's World

ロイヤルコンクエスト (Royal Conquest)
Suppléments:

Mots de Passe

 Super Nintendo

 Super Mouse

Développeur:
Argonaut Software

Editeur:
Jaleco
Genre:
Réflexion / Action

Joueurs:
1P

Dates de sortie
27.11.1992 Japon
03.1993 USA
05.1993 Europe
dur Difficulté:

92%Graphismes
85%Animation
92%Son
80%Jouabilité
87%Durée de vie

85%85%
Trucs et astuces

Mots de passe:

Vous les trouvez tous séparément dans notre supplément.

Deux noms qu'on connaît bien dans un jeu qu'on connaît moins. C'est un peu comme ça que se présente King Arthur's World pour le non-initié. Le premier nom, c'est Argonaut Software, les développeurs, dont tous les possesseurs de Super Nintendo ou presque ont entendu parler. Ce sont eux qui avaient conçu la puce Super FX pour le compte de Nintendo et participé à sa programmation lors du développement de Starwing. Le second nom est encore plus connu. Que vous ayez eu une console Nintendo ou non, que vous n'ayez même jamais joué à un jeu vidéo (mais que faites-vous ici alors ?!) vous le connaissez. Il s'agit bien entendu du roi Arthur.

Arthur Pendragon, fils d'Uther, qui siège à la cour de Camelot avec son épouse Guenièvre, entouré des preux chevaliers de la Table Ronde (Lancelot, Perceval, Galahad...) et de Merlin l'enchanteur. Arthur, le roi qui brandit l'épée Excalibur qu'il a retiré de la pierre ou pris des mains de la Dame du Lac, et qui songe à la quête du saint Graal. Arthur le vaincu enfin, qui sera mortellement blessé par Mordred, fils de la fée Morgane, et emmené sur l'île d'Avalon dont jamais il ne reviendra. Ce souverain mythique et peut-être partiellement historique du VIème siècle, est une figure formidable dont la légende s'étend bien au-delà des îles britanniques et de la littérature médiévale qui l'a façonnée.

Alors on ne s'étonne guère de retrouver sa présence jusque dans le retrogaming qui nous est cher. Cependant, s'il a su, même ici, s'élever au rang de superstar, ce n'est pas grâce à ses fidèles sujets anglais, gallois, écossais ou irlandais. Sa célébrité sur consoles, il la doit principalement aux Japonais de Capcom et à la série des Ghouls'N Ghosts qui, même si elle n'a plus rien à voir et invente au héros un autre imaginaire, n'en est pas moins un prestigieux piédestal. Heureusement, on pouvait compter sur les braves compagnons d'Argonaut Software pour ramener Arthur au pays. Là où l'on ferait erreur en revanche, c'est de croire que sous prétexte d'un jeu britannique, il y aurait une plus grande fidélité à sa légende.

Pour tout dire, King Arthur's World est presque aussi fantaisiste avec ce grand personnage que ne l'est Ghouls'N Ghosts. A croire que personne n'a cherché à se documenter sur les fascinantes légendes arthuriennes. Que reste-t-il de celles-ci ? Le roi Arthur bien sûr, des chevaliers, des enchanteurs, un contexte médiéval et puis c'est tout. Il ne manie même pas Excalibur mais une masse d'armes ! Il affronte des rivaux fictifs dans des lieux qui le sont tout autant comme la famille Butler et lord Brownjohn aux Tours Windsor, avant de s'aventurer dans les cavernes des gobelins et dans les nuages des sorciers. Pauvre Arthur, malmené par les jeux vidéo ! Mais au fond, n'est-ce pas ce que les auteurs du Moyen Âge, comme le Français Chrétien de Troyes, faisaient eux aussi en lui créant des aventures de toute pièce ?

Cependant, l'insulte la plus grave est encore à venir. Le roi Arthur... n'est qu'un lemming, un ver de terre ! S'il a bien forme humaine, le voici plongé dans une interface qui rappelle fortement un classique, Lemmings, et en anticipe un autre, Worms. Notre armée est representée dans un format minuscule, chaque homme fait 16 pixels de haut; la taille d'une icône sur le web, d'une fourmi dans le monde. A l'inverse d'autres jeux, l'univers ici est à son échelle, décors comme ennemis. Arthur et ses troupes doivent pacifier le pays et même, on l'a vu, au-delà, ses souterrains et ses célestes royaumes. Les niveaux sont larges et complexes, beaucoup plus que ceux de Lemmings et, contrairement aux titres de Psygnosis et Team 17, on peut endommager le décor mais on ne peut pas le détruire complètement comme s'il n'était fait que d'une seule pièce.

Pour le reste, King Arthur's World mélange adroitement odyssée lemmingien et esprit martial des worms. Un niveau se termine en atteignant le point précis où se trouve le maître des lieux (ou un coffre aux trésors, en entraînement). L'itinéraire est généralement moins compliqué à déterminer que les méandres du niveau le laissent entendre, mais la traversée même est une autre paire de manches. S'il faut déjouer des pièges, s'ouvrir ou se créer des passages, il faut aussi se battre. On dispose de 7 corps de métiers parmi ses troupes: les chevaliers, les archers, les sorciers noirs sont les combattants, les magiciens blancs et les porteurs de bouclier sont spécialisés dans la défense, les ingénieurs et les artificiers enfin ont des rôles pratiques avec aussi un peu d'attaque; le baril de poudre détruit l'obstacle, qu'il soit chose ou créature.

Certains parmi eux ont plusieurs fonctions ou techniques: les archers ont trois hauteurs différentes de tir, les enchanteurs possèdent à eux deux sept sorts (boule de feu, foudre, pluie de feu, mort, pour l'un et regénération, protection, force pour l'autre) et les ingénieurs peuvent accomplir cinq actions qui sont: la création de la catapulte, l'érection de la tente qui sert de checkpoint, l'utilisation du bélier pour forcer les portes, la construction de ponts et de plates-formes, beaucoup plus restreints d'usage que dans Lemmings mais néanmoins absolument vitaux pour la progression.

Le nombre d'hommes disponibles, tout comme les sortilèges, est limité selon le niveau. De même, c'est leur fonction qui décide combien on en contrôle simultanément, encore qu'il soit possible d'altérer légèrement ces nombres dans le menu d'options. En règle générale, les ouvriers, les chevaliers, et les archers évoluent par groupe de cinq alors que les autres travaillent seuls et qu'il n'est jamais possible d'avoir plus de trois unités en même temps. Tant qu'un homme est vivant, il est permis de le renvoyer à tout instant dans la tente auprès des troupes de réserve. S'il est important de garder ses hommes en vie sous peine d'en manquer et de se retrouver bloquer à certains endroits, celui qu'il faut protéger coûte que coûte est le roi Arthur.

Le bon suzerain est un soldat à part entière, toujours présent sur le champ de bataille. Plus résistant et plus fort que les autres, il est le seul qui puisse ramasser les clefs qui ouvrent les passages muraux, si sombres qu'on les dirait secrets. De plus, personne d'autre ne peut terminer le niveau; si Arthur meurt durant le périple, la partie prend automatiquement fin. En dépensant de l'or (100 pièces pour 1 continu), il est possible de reprendre au checkpoint, mais amasser des trésors est une longue opération qui se fait patiemment au cours des niveaux. Plus par nécessité que par choix, on s'en remettra plus souvent aux mots de passe.

En jouant, on ne réfléchit pas autant que dans Lemmings, notamment parce que les talents des ingénieurs sont beaucoup plus modestes. Même l'aspect stratégique est moins développé que dans Worms. La principale difficulté à laquelle le joueur doit faire face est la longueur des parcours, une difficulté plus psychologique que physique. King Arthur's World est un jeu lent et amener son armée loin dans le niveau prend du temps, en partie parce qu'il faut effectuer plusieurs fois les mêmes trajets. Pour reprendre la comparaison avec Lemmings, au lieu de diriger un flot continu puis une masse mouvante, on doit acheminer des fractions d'individus, qui partent toutes du même point, vers les obstacles qu'elles élimineront un à un.

La tentation est grande d'accélérer l'action. Mais le seul moyen pour ça est de prendre le contrôle simultané de plusieurs unités, manipulation ô combien dangereuse qui demande un timing rigoureux sous peine de perdre des hommes, quand ce n'est pas tous. Mourir et devoir tout recommencer, parfois à cause d'une faute bête, d'autres fois parce qu'il n'y avait pas moyen de s'en sortir, est pénible et démoralisant. C'est le game design même qui est en cause, il force à la patience et si on n'accepte pas sa lenteur et les précautions qu'il s'impose de prendre, alors on ne pourra pas supporter le jeu bien longtemps. Les niveaux les plus durs sont aussi les plus grands et de ce fait, leur nombre peut sembler faible par rapport à ses pairs.

On commence par traverser 9 niveaux d'entraînement pour bien apprendre les spécialités de chacun, individuellement puis en groupe. C'est une phase importante sur laquelle il vaut mieux s'attarder. Cela a beau être présenté comme de l'exercice, le challenge est réel et il n'est pas question de nous faciliter la tâche. C'est seulement après en avoir bien décousu ici qu'on sera prêt pour affronter les défis du Real World, trois niveaux en forme de tours et de châteaux, puis un boss, un ogre qui mange du mouton (non, il n'y a pas de sheep bomb). Les quatres niveaux suivants, qui se concluent eux aussi avec un boss, un espèce d'énorme char d'assaut, se déroulent dans le repaire tortueux des gobelins. Tous les quatres sont immenses et truffés de plates-formes, d'échelles, de gouffres, de machines cracheuses de feu, de câbles transporteurs et de rails. Sans oublier quatre monstres téléporteurs exaspérants. Le calvaire commence vraiment ici.

Les sept derniers niveaux ont une ambiance mi-futuriste, mi-surréaliste, avec des lasers, des téléporteurs, des tuyaux en forme de serpent, des potences, des zombis, des martiens et autres monstres grotesques (un escargot-licorne avec un canon pour coquille). C'est joli, entre Dali et Bosch, mais totalement anti-arthurien. 3 boss et 23 niveaux, c'est presque cent de moins que dans n'importe quel jeu Lemmings, mais on l'a dit, tout s'explique par le game design, et la durée de vie n'est pas perçue comme un problème. On ne peut pas en dire autant de la jouabilité. Pour bien comprendre ses faiblesses, il est important de préciser une caractéristique du jeu: il est compatible avec la Super Mouse et fonctionne donc aussi bien à la manette qu'à la souris, mais la maniabilité a été complètement modifiée de l'une à l'autre.

C'est un bon choix, qui a quand même des conséquences négatives. Si la jouabilité est bien adaptée à chacun de ses accessoires, elle a aussi des défauts spécifiques dans les deux cas. Concevoir un jeu qui répond bien est déjà tout un défi mais qu'il le soit en plus avec deux moyens d'interaction très différents en est un autre. A la manette, on dirige le personnage qu'on sélectionne. La difficulté vient de l'accessibilité des menus, beaucoup moins rapide et naturelle qu'à la souris. Avec celle-ci, inversement, le contrôle du leader et de sa troupe se fait par pointage, cela est bien pensé mais a de fâcheuses limitations, notamment dans l'enregistrement et la rapidité des commandes. Il arrive que le jeu ne mémorise pas une direction ou au contraire refuse d'en changer alors qu'on sent clairement qu'il aurait dû.

Si l'on n'y prend garde, à cause de cela, l'échelle qu'on manque ou le pont qu'on ne construit pas conduiront notre colonne de soldats droit dans le gouffre. Un autre exemple concret et si injuste qu'il arrache des invectives sont les téléporteurs de Cloud World. Par accès de sadisme, plusieurs d'entre eux sont situés à l'extrême bord des nuages. Lorsque les hommes entrent dans le téléporteur, leur marche n'est pas interrompue à la sortie, tandis que l'écran glisse vers le nouvel emplacement plutôt que de s'y trouver immédiatement. Cela fait qu'on n'a guère plus d'une demi-seconde pour les faire virer brutalement de direction. De plus, si chute il y a, le changement de leader n'a pas lieu assez vite et ses suiveurs risquent de connaître le même sort. Arthur, généralement, est le personnage qu'on déplace en dernier puisqu'il est aussi le seul qu'on ne peut pas rappeler automatiquement dans la tente (peut-être la technique la plus utile de toutes). Si la jouabilité nous joue ce genre de tours de cochon lors de son périple, ce sont une partie entière et des dizaines de minutes de jeu qui risquent d'être fichues en l'air.

D'autres problèmes de ce genre viennent compromettre l'intégrité du gameplay. Ceux qui marchent à la suite ne le font pas toujours de manière rigoureuse. Il arrive qu'ils se coincent, qu'on les perde, en grimpant et en descendant surtout, et, peut-être pire encore, ils ne suivent pas toujours leur leader à la trace; ils se bousculent en tournant, font quelques pas de travers qui peuvent se révéler mortels quand on joue au millimètre près. Il faut aussi se méfier des boules de feu qui ricochent de manière imprévisible, parfois absurde. A vouloir donner trop de réalisme aux lois physiques de leur jeu, ils les ont rendu irréelles.

Un atout qui assiste bien King Arthur's World, car c'est toujours un bon moyen d'inciter le joueur, même le plus réticent, à continuer, est l'esthétisme. Très agréable visuellement, il possède des dessins d'une grande finesse et des décors de fond là où Lemmings n'avait que la nuit noire. Son défaut cependant est que passés les premier et second niveaux de chaque monde, il n'introduit plus aucune nouveauté graphique et le joueur devra alors chercher son contentement dans le seul level design. Mais le grand vainqueur, c'est tout de même la musique. Les bruitages ne sont pas mauvais non plus, quoiqu'on sente qu'ils ont été atténués pour laisser place à la grande soeur. Il y a un très beau thème, doux et féérique, qui offre une continuité avec le morceau du premier niveau. Un autre a des saveurs orientales, on pense au Boléro de Ravel et au Lawrence d'Arabie de Maurice Jarre, mais avec toujours beaucoup de douceur. Viennent des thèmes plus sombres, lancinants et envoûtants, un autre incroyable, moderne, funky, dans les cavernes des gobelins. Après un aussi beau palmarès, même la Chevauchée des Valkyries de Wagner, qui rythme les combats de boss, ne semble pas meilleure que le reste (la musique de fin a elle des similitudes avec le fameux Canon de Pachelbel).

La musique du jeu est un excellent moyen de calmer son impatience. Patience ! Voilà peut-être le maître mot de King Arthur's World. Si cela suffisait, on pourrait proclamer que le jeu de patience est un genre de jeux vidéo à part entière dont nous avons sous les yeux le parfait représentant. Car faux jeu de réflexion, faux wargame, faux jeu d'action, vraie surprise en son temps, King Arthur's World est autrement un inclassable. Malgré des ressemblances frappantes avec Lemmings et Worms, il se joue bien différemment, avec une lenteur élaborée, prodigieusement énervante par instants, décourageante quand il s'agit de recommencer. Sur le tard, on souffre de son rythme comme de ses multiples imperfections de jouabilité. Argonaut heureusement a été généreux, en troupes, en mots de passe, aussi en talent. Et même s'il n'a pas le fabuleux level design de Lemmings, ni le plaisir rarement égalé d'un Worms, il jouit d'une ambiance unique, plus prenante et agréable que la leur, une ambiance digne des grands jeux Super Nintendo. Il aurait eu besoin d'une suite qui élargit et perfectionne le concept. En attendant cette éventualité qui ne viendra sans doute jamais, continuons d'y jouer, recommençons-le, jusqu'à en connaître ses moindres finesses, patiemment, patiemment...

le 5 mars 2010
par sanjuro



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