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TEST · REVIEW · CRITIQUECONSOLE SEGA MEGA DRIVE (16-bit)


La manutention, c'est tout dans la tête, rien dans les bras.

Shove It! ...The Warehouse Game

Shove It! ...The Warehouse Game

史上最大の倉庫番 (Shijō saidai no sōkoban, trad: "Le Plus grand jeu d'entrepôt de l'histoire")
Suppléments:
Import/Export
Les Surprises de l'Entrepôt Nippon

 Mega Drive

Concepteur:
Thinking Rabbit

Développeur:
NCS

Editeur:
Masaya / DreamWorks
Genre:
Réflexion

Joueurs:
1P

Dates de sortie
30.01.1990 Japon
06.1990 USA
très dur Difficulté:

42%Graphismes
20%Animation
37%Son
82%Jouabilité
95%Durée de vie
99%'' (Japon)

80%80%
Trucs et astuces

Mots de passe:

Tous les 16 niveaux de la version américaine et les 25 de la japonaise, avec entre parenthèses les salles correspondantes.

Niveau 2  (11-20) :
MARINA!!

Niveau 3  (21-30) :
MALIBU

Niveau 4  (31-40) :
SANPEDRO

Niveau 5  (41-50) :
VENTURA?

Niveau 6  (51-60) :
SANDIEGO

Niveau 7  (61-70) :
PASADENA

Niveau 8  (71-80) :
!BEVERLY

Niveau 9  (81-90) :
MELROSE!

Niveau 10  (91-100) :
RODEO!?!

Niveau 11  (101-110) :
WESTWOOD

Niveau 12  (111-120) :
WILSHIRE

Niveau 13  (121-130) :
VENICE??

Niveau 14  (131-140) :
FIGUEROA

Niveau 15  (141-150) :
SUNSET

Niveau 16  (151-160) :
ORANGE

Shove It s'arrête ici avec 160 salles, mais pas la version japonaise qui, elle, continue encore pour 9 niveaux et donc un total de 250 salles !


Niveau 17  (161-170) :
HARBOR

Niveau 18  (171-180) :
CENTRAL

Niveau 19  (181-190) :
WESTERN!

Niveau 20  (191-200) :
?VALLEY?

Niveau 21  (201-210) :
GLENDALE

Niveau 22  (211-220) :
FOOTHILL

Niveau 23  (221-230) :
VANNUYS!

Niveau 24  (231-240) :
CRENSHAW

Niveau 25  (241-250) :
IMPERIAL

Vu dans les petites annonces de la gazette 1UP:

"Entrepôt en Californie recherche manutentionnaire H/F. Aucune expérience requise. Vous possédez au minimum un doctorat en mathématiques appliquées, de préférence avec spécialisation dans les théories géospatiales.

Dans un cadre accueillant, notre équipe dynamique composée de vous seul devra pousser des caisses sur les emplacements indiqués. 160 salles vous attendent. Pousseur-né, vous disposez d'une grande vitalité, surtout mentale, et de beaucoup de patience.

Salaire 71680 pixels (les aspirines sont à votre charge).

Merci de faire parvenir votre CV à:
webmaster+sokoban@1up-games.com "

Ce que cette annonce ne précise pas est que, si le travail semble avoir lieu à Los Angeles (d'après les mots de passe, à gauche), votre employeur lui est tout à fait japonais. Sous le nom disgracieux de Shove it! (Fiche-le!, ou pire, Fourre-le!) se cache en effet Sokoban, un jeu inventé en 1981 par Hiroyuki Imabayashi et publié l'année d'après par Thinking Rabbit sur NEC PC-88 et Fujitsu FM-7. Il existe de nombreuses versions sur ordinateurs et quelques-unes aussi sur consoles dont les plus connues chez nous sont sans doute Boxxle sur Game Boy et Sokoban World sur PC Engine.

Les trois jeux sont sortis vers la même période, aux alentours de 1990. Et si les développeurs sont à chaque fois différents, on repère cependant des designs en commun puisque chaque salle est en soi un problème à résoudre. Sur Mega Drive, c'est NCS et Masaya (qui ne forment en réalité qu'une seule et même compagnie) qui se chargent de la conversion. Ils ont fait les choses assez simplement, mais il faut l'avouer, on fait difficilement plus simple que Sokoban.

Sokoban est à la fois le jeu le plus simple et le plus difficile au monde. Cette insoutenable contradiction pourrait passer pour une naïve exagération, celle d'un admirateur un peu siphonné, et pourtant, jugez plutôt:

Chaque salle, qui tient toujours dans un seul écran, a une topographie unique et méthodiquement conçue avec un nombre de caisses réparties çà et là. Le but est d'amener ces caisses sur les emplacements marqués d'un point blanc. Une fois qu'ils sont tous couverts, vous avez gagné. Vous ne pouvez effectuer qu'une seule action: pousser ! Vous ne pouvez pas tirer les caisses ou les bouger d'une autre manière que ce soit. La seule exception est le bouton A qui vous permet d'annuler votre dernier coup. Pas inutilement d'ailleurs, la maniabilité accrochant un peu lorsqu'on va vite. Mais c'est plus un joker qu'une véritable manipulation.

Il n'y a vraiment rien d'autre dans Sokoban, contrairement, par exemple, à des jeux de réflexion comme Eggerland / Adventures of Lolo qui proposent des créatures, des pièges, ou même ne serait-ce qu'un mécanisme, comme Puzzle Boy. De la première à la dernière salle, le principe de Sokoban conserve toute sa sobriété épurée, sans aucune variation.

Et bizarrement, on n'en nourrit peu ou pas de réticences. Parce que le plaisir ici n'est pas dans la variété mais dans la nature du casse-tête, en l'occurrence le degré de complexité de la salle et comment en venir à bout rien qu'en déplaçant les boîtes. Certaines pièces sont toutes petites, d'autres remplissent presque l'écran, toutes sont trop étroites pour notre besogne. On aurait tendance à faire peu de cas des moins grandes, surtout une fois qu'on est bien lancé, et pourtant il faut se méfier de ces petites sournoises ! Ce sont souvent les plus vicieuses, celles qui nous font désespérément racler les recoins de notre cerveau à la recherche d'une solution.

Mais le plus choquant sans doute est que la difficulté est élevée dès le début. La seule salle facile est la toute première. Aussitôt après elle ce n'est déjà plus aussi trivial. On ne finit pas le premier niveau sans avoir fait des efforts de réflexion. C'est là qu'on réalise qu'il reste encore 150 salles et que la difficulté ne peut aller qu'en augmentant ! On a peur mais on est aussi curieux, on veut voir jusqu'où on peut aller.

On angoisse en songeant à ce que ces futurs niveaux doivent être si les principes de torture mentale des petites salles sont appliqués aux plus grandes. On atteint des summums de complexité dans les niveaux supérieurs, c'est vrai, mais heureusement on reste toujours dans le domaine de l'humainement possible. En outre, il n'est pas nécessaire de finir les dix salles que contient un niveau pour passer au suivant, il suffit juste de trouver celle qui renferme le mot de passe, et généralement ce n'est pas la plus difficile. On peut donc atteindre la fin du jeu en ne traversant que 16 salles.

Néanmoins, la difficulté de Sokoban est sérieuse et vérifiée: Wikipedia nous apprend qu'il est classé comme un jeu NP-hard, échelle qui catégorise les problèmes les plus difficiles dans la branche scientifique de l'informatique théorique, celle qui s'intéresse notamment aux algorithmes et à l'intelligence artificielle. Il a été comparé aux échecs. Même un ordinateur ne pourrait pas résoudre certains problèmes avancés. Ca nous soulage un peu, on ne souffre pas nécessairement de déficience mentale (à moins de coincer à la première salle).

Au fur et à mesure que les problèmes de stockage se complexifient, nos raisonnements vont aussi en s'améliorant. On évite certaines erreurs que l'on faisait au départ, notamment sur la liberté de mouvement des caisses. Car Sokoban est avant tout un jeu d'espace. Il ne faut jamais perdre de vue la marge de manoeuvre dont une caisse a besoin pour glisser librement, ni de celle qu'il nous faut pour aller jusqu'à elle et la bouger. C'est le piège qui nous guette à chaque décision. Une caisse dans un coin ou sur une surface fermée est une caisse de perdue. Si l'on commet cette erreur et que l'on continue sans y prendre garde, même si l'on se débrouille bien par la suite, en réalité on perd son temps: on est échec et mat depuis longtemps.

Sa simplicité est aussi ce qui le rend si prenant. Quand on bloque, et cela arrive souvent, pour ainsi dire à chaque salle quand ce n'est pas à plusieurs reprises dans la même, on est assailli par cette pensée terrible qui nous force à ne pas abandonner: le principe est si rudimentaire, si primitif, il ne peut pas y avoir trente-six solutions à un problème ! Elle doit bien être là, sous notre nez ! C'est en ça que cette diablerie de jeu est redoutable. Il n'y a effectivement pas trente-six solutions, il n'y en a généralement qu'une seule. Mais il faut réfléchir à s'en tordre les neurones, repérer par l'esprit ce détail imperceptible autour duquel s'articule la solution; il faut saisir l'insaisissable et voir l'invisible. Rarement a-t-on plus retors que Sokoban.

Si le gameplay ne change pas d'un iota en 160 salles, les développeurs font tout de même l'effort de modifier l'apparence tous les un ou deux niveaux. Effort infime, puisqu'ils se contentent de remplacer sommairement les trois motifs (fond, mur, sol) et le sprite des caisses. Et malgré tout, cela reste visuellement toujours aussi mortel ! Vous me direz, si tous les entrepôts étaient peints avec ces couleurs ils en deviendraient presque beaux. En pixels, c'est une autre histoire. A sa décharge, il faut mentionner que Sokoban est sorti très tôt sur Mega Drive, il fait partie des trente premiers titres.

Par rapport au son et à l'intermède, on peut toutefois vraiment parler d'effort. Car l'unique musique, elle, ne change jamais ! Elle est gentillette, mais au bout d'un jour on n'y tient plus, on veut la couper... au hachoir ! Entre chaque salle, chaque niveau, on visionne aussi une brève cinématique, toujours la même, tirée de l'intro (c'est dire s'ils se sont foulés !), du héros moustachu poussant péniblement une caisse. On se dit qu'il y a des opportunités ratées, et l'on n'a pas tort.

Shove It dispose aussi d'un mode Edit pour construire sa propre salle et d'une option Trace, durant le jeu. Elle permet de retracer ses pas à partir du début de la partie, comme un replay des évènements présents. Par exemple, si vous pensez avoir commis une erreur à un moment antérieur mais ne voulez pas tout refaire, vous pouvez ainsi reprendre au moment décisif. Seulement, fâcheuse décision, le Trace se déroule en temps réel sans pouvoir accélérer. L'intérêt en est alors sévèrement réduit.

Les pas sont comptés et ne servent apparemment à rien d'autre qu'à se situer durant le Trace. Une fois encore, cette sensation d'opportunité ratée nous vient à l'esprit. Sokoban est un principe simple mais Shove It mise un peu trop sur cette simplicité se suffisant à elle-même. Avant de se lancer, il est recommandé de s'armer d'un papier et d'un crayon pour noter tout ce que le jeu, à tort, ne retient pas de lui-même: la salle qui nous permet d'avancer, celles que l'on n'a pas terminées, puisque l'on nous expédie sans préambule au niveau suivant, et aussi les pas, qui auraient pu servir de score, cela semblait logique. Moins vous avez marché pour résoudre une salle, plus vous êtes doué. Mais tout cela passe très vite et même avec un bon vieux crayon, on risque de les rater.

C'est certain, la présentation est la plus grave lacune de Shove It! Aussi prenant soit un concept, il a besoin d'une bonne mise en forme. Nintendo n'a pas vendu son Tetris Game Boy comme un vulgaire empilement de briques, il y avait un peu d'embellissement autour. Et sans doute Sokoban se serait mieux vendu sur consoles si un tel effort avait été fait. L'ensemble des salles devrait être accessible, au moins pour la sélection et le score. Il y a une telle négligence que l'analogie du travailleur manuel semble poussée jusqu'au bout: tu fiches les caisses là où on te le dit, tu passes à la salle suivante, le reste on s'en fout. Travailler, c'est s'amuser. Ta paye est dans tes succès. Si tu n'es pas content, trouve-toi un autre job, un autre jeu ! Encore le patronat qui abuse de ses ouvriers en oubliant qu'ils sont aussi clients.

Mais on voudra quand même rester, maltraités que nous sommes. Pas parce que la rémunération, qui consiste en une cinématique merdique, est équitable, mais parce que, quoi, on s'amuse à souffrir en silence. Chercher un moyen de ranger ses caisses, buter contre les murs et surtout contre la perfide intelligence de l'architecte logicien, il n'en faut pas plus pour délecter les méninges. Et puis au moins, contrairement au pauvre magasinier, on ne se fatigue pas les bras ou le dos, juste la tête.

le 4 mai 2018
par sanjuro



Jeu testé en version américaine et japonaise
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Version américaine



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