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TEST · REVIEW · CRITIQUECONSOLE NINTENDO ENTERTAINMENT SYSTEM (8-bit)


Pan ! Un Crochet du droit ! Est-ce que ça fait mal ou est-ce que ça Fée Clochette ?

Hook

Hook

 

 NES

Développeur:
Painting by Numbers

Editeur:
Ocean /
Sony Imagesoft
Genre:
Action

Joueurs:
1-2P (alternés)

Dates de sortie
27.03.1992 Japon
04.1992 USA
06.1992 Europe
bonne Difficulté:

62%Graphismes
51%Animation
64%Son
65%Jouabilité
72%Durée de vie

50%50%
Trucs et astuces

Fin et choix du niveau:

A l'écran titre, appuyez sur Droite, Haut, Haut, Bas, Bas, Droite, Gauche, Haut. Un son (le bruit de saut) viendra confirmer la réussite du code. En appuyant sur Select, vous pouvez voir la fin, ou bien alors commencez une partie et déplacer Pan sur n'importe quel niveau à l'aide du compas et du bouton B.

Le film Hook fut un peu un tournant dans la carrière de Steven Spielberg, un tournant qui ressembla à une culbute. Si le prodige d'Hollywood avait déjà réalisé d'autres longs métrages assez moyens comme Always ou 1941, aucun d'eux n'avait fait autant de belles promesses pour arriver à un résultat aussi décevant. Un casting ambitieux (Dustin Hoffman, Robin Williams, Julia Roberts), un budget imposant de plus de 60 millions de dollars, un sujet qui semblait taillé sur mesure pour Spielberg et avec lequel on croyait qu'il accomplirait des merveilles, et au final un film trop long, ennuyeux, gauche, raté.

Si après lui il y eut encore Jurassic Park et La Liste de Schindler, deux très bons Spielberg, on savait désormais que le réalisateur n'était plus artistiquement invulnérable et imperméable aux échecs cuisants. Cependant, la mauvaise réception fut seulement critique et le film rapporta beaucoup d'argent, presque autant que le second Indiana Jones, justement parce que le public en ce temps avait une confiance quasi-aveugle dans le talent de Spielberg. Les éditeurs de jeux sont aussi des spectateurs et Ocean partageait sans doute leurs espoirs en acquérant, auprès de Sony, qui contrôlait le studio et publia aussi le jeu via sa filiale Imagesoft, les droits de Hook.

Le film ne leur inspira en tout cas pas grand chose. Ou peut-être faut-il retourner le problème pour y voir, non pas la solution, mais l'absence de problème: peu importe que le jeu soit mauvais puisque le film l'est presque autant, la médiocrité de l'un servant de paravent à l'autre. Ocean respire: au moins ce ne sont pas eux qui ont fait des jeux de merde avec les Indiana Jones ! Mais revenons à nos moutons, et plus précisément à notre Pan, notre Robin Williams, encore que le personnage du joueur ne ressemble en aucune manière à l'acteur (il ressemblerait plutôt à ce couillon de Robbie Williams; confusion des auteurs ?).

Allons, allons, arrêtons de jurer maintenant, c'est tout de même de Peter Pan dont il s'agit, une histoire et un jeu pour les enfants ! Un aspect positif à cela est qu'il n'est pas d'une difficulté extravagante. Deux vies et quatre continus sont nos seules provisions, ce qui peut sembler maigre mais devrait suffire à la plupart d'entre nous pour le finir. On serait tenté de qualifier le jeu d'accessible à tous, s'il n'y avait pas une puissante ironie là-dessous. Cette ironie, c'est la jouabilité. Si votre arrière-grand-père avait fait un jeu vidéo, il se jouerait sans doute comme Hook. Pourquoi votre arrière-grand-père ? Mais parce qu'il ne connaissait sans doute rien aux jeux vidéo.

C'est ce qui vient à l'esprit durant une partie de Hook: ces gens-là n'ont jamais joué à un jeu vidéo, autrement ils ne feraient pas des erreurs de conception pareilles. Cette impression nous saisit dès qu'on commence à jouer et ne nous lâche plus jusqu'à la fin. La Fée Clochette tient le rôle de guide et d'hôtesse dans cet univers raté. Sur un fond de couleur agressive, elle nous parle en caractères énormes, volant devant le texte comme un diptère agaçant et obèse. Vite, passez-moi la tapette à mouches ! Vlan, vlan et re-vlan ! Bon, tant pis, impossible de s'en débarrasser, il faudra faire avec. On voit bien ce que les auteurs ont essayé de faire, donner l'illusion d'une vue subjective, mais entre nous, c'est moche et ridicule.

Ces intermissions représentent, avec l'écran titre et celui de game over, eux plutôt bien faits, la partie non-jouable de Hook. Il y a aussi un écran inutile qui montre les 4 objets que Pan a en sa possession. Inutile, parce que ces objets ne changent absolument rien au gameplay. La première vraie phase d'interaction à la manette vient avec la carte. Naviguer sur une carte, quoi de plus simple ? Et pourtant, chose à peine pensable, c'est déjà une catastrophe. La carte est une vue de Neverland, le Pays Imaginaire en français, où Pan doit délivrer ses enfants du Capitaine Crochet, après avoir convaincu les Lost Boys, les Garçons Perdus, de l'aider. Un petit Pan nous fait signe sur la carte. Il ne répond pas à nos commandes cependant, car ce que l'on dirige en fait, c'est le compas en bas à droite. Pourquoi faire simple quand... etc.

Bon. Soit. Essayons de le faire tourner. Cela fonctionne un peu n'importe comment: l'aiguille du compas est comme attirée vers la direction sur laquelle on appuie. On finit néanmoins par s'en sortir. Si l'on presse le bouton alors qu'aucune destination n'est affichée, cela réveille la Fée Chiée Clochette qui vient nous sermonner. Dans le cas contraire, on est immédiatement expédié dans le niveau sans que le sprite se déplace, donnant la fausse impression qu'on était déjà dessus ! Si vous n'y comprenez rien, vous avez tout compris, car cela résume parfaitement la situation.

Au moins, les malheurs de la carte nous préparent à ce qui va suivre. La plupart des niveaux sont des tableaux de taille moyenne, jamais très longs, où l'on doit d'abord ramasser un certain type d'objets, puis, s'il ne s'agit pas d'une zone sous-marine, aller à la sortie marquée d'un modeste E. Le premier truc bizarre que l'on remarque est que l'affichage dans le coin gauche flashe constamment. Y défilent tour à tour: la barre de vie, le compteur du score, un grelot, un dé à coudre, et l'objet spécifique au niveau. Au début, c'est à n'y rien comprendre. Mais il y a encore mieux. Le bouton A permet de sauter, le bouton B de frapper au poignard. Rien de bizarre jusque-là, et pourtant ! Et pourtant ! Inspirez un grand coup, moi il me faut un nouveau paragraphe avant de vous dévoiler la surprise.

Le poignard ne sert à rien. Le poignard est une supercherie. Sans rire. Quelqu'un lui a filé un de ces couteaux de cinéma à la lame rétractable ou je ne sais quoi. Frapper un ennemi comme ça n'a quasiment aucun effet, il faut s'y reprendre à plusieurs fois et lui rentrer carrément dedans en portant le coup. Impossible d'éviter les dommages. Du coup, changement de programme, l'attaque étant inutile, on adopte l'esquive; le but après tout est juste de collecter des objets. Mais cela laisse quand même songeur, ou plus exactement étourdi de stupidité, combien de jeux d'action proposent une arme qui est inutilisable ? La seule explication à peu près rationnelle est que quelqu'un, quelque part durant le développement, a trouvé que suriner les ennemis était trop violent pour ce type de jeu et a choisi de désactiver cette fonction. Cherchons refuge dans les théories pacificatrices !

Il existe tout de même un autre moyen de se sortir d'une mauvaise passe: c'est Julia Roberts ! La Fée Clochette, quoi. Pas foutu de poignarder, Pan fait appel à son moucheron apprivoisé. Une fois qu'on a mis la main sur des dés à coudre, toujours en très petit nombre, on peut lui donner l'ordre d'attaquer en fondant sur l'ennemi, ce qui marche à tous les coups. Les grelots permettent eux de bondir sur les étoiles dans le décor, autrement on passe au travers sans rien comprendre. Malgré ces ignominies, la maniabilité de Hook n'est pas si mauvaise, on arrive assez bien à avancer, à sauter par dessus les ennemis et à boucler les niveaux. C'est l'animation et les réactions du sprite surtout qui sont terribles, on croirait diriger un espèce d'abruti, un dégénéré criblé de tares. Outre sa démarche de brave petite tapette, il faut le voir regarder dans le vide la bouche ouverte, se baisser en s'écrasant comme un crapaud, ou encore exprimer la souffrance en bondissant les bras écartés: "OH KÉ GÉ MAL ! NA FÉ GROBOBO !" — Non mais qui c'est ce con ?

C'est quelque chose aussi que de le voir nager. On dirait qu'il pousse avec son cul tout en se tirant les oreilles. Les niveaux aquatiques cependant ne sont pas pires que le reste; contrairement à beaucoup de jeux, la maniabilité n'y souffre pas. Deux autres types de niveaux apportent aussi un peu de variété. Les séquences de vol d'abord, vues de front, avec Pan de dos qui doit éviter les nuages qui zooment vers lui tout en attrapant des grelots. C'est assez bien réalisé, jouable, mais aussi passionnant que de se laver les dents. Ensuite, il y a deux duels, l'un contre Rufio, le leader des Lost Boys, et l'autre contre le Capitaine Crochet, le boss final. On peut de nouveau admirer ici un bel exemple de gaufrage monumental du game design.

Le joueur et son adversaire se tiennent face à face sur une aire de combat figée comme dans le mode versus de Trojan. Ils se battent au couteau et cette fois-ci, heureusement, l'arme de Pan fonctionne. Mais le sprite a été redessiné, et son saut est désormais aussi ridicule qu'injouable. Il bondit genoux et coudes écartés, tête baissée, comme s'il se regardait l'entre-jambe avec une fascination telle que seule une érection ou une souillure pourrait expliquer. Mais surtout, cette andouille est bloquée dans une direction ! C'est-à-dire que si vous sautez par dessus Hook, Pan lui fait désormais dos. "Ohé, les copains ! Regardez-moi me faire tuer par derrière !" Pour le faire se retourner, il faut effectuer un second saut, droit. Du jamais vu.

Nous aussi parfois on aimerait bien détourner la tête. Si les phases d'animation sont particulièrement sordides (n'ayons pas peur des mots), le graphisme même n'est pas catastrophique mais il est plutôt vulgaire, quelconque. Les mêmes motifs sont répétés inlassablement: feuillage, pierres, planches, etc, tandis que les sprites sont tous assez laids. C'est du décor créé au "paint bucket". Remplissage maximum, design minimum. Il a quand même un atout ce graphisme: les légendaires fonds noirs de la NES, dont Konami entre autres fut si friand, sont totalement absents. Enfin une vraie qualité ! Certes, à la place on a droit à toutes sortes de couleurs extrêmes: des cyans aveuglants, des bleus trop marines, des gris Windows, des oranges rouilles et des violets violents qui nous feraient presque regretter la sobriété du noir charbon nocturne. Mais cette variété des couleurs apporte tout de même une touche d'originalité à l'esthétique du jeu.

Non, il n'est pas permis d'en dire autant des bugs. Oh, il y a bien des originaux parmi eux, comme la pause, qui en vol coupe la musique et à terre fait un espèce d'effet de caméra tournoyant nauséeux, mais on aurait préféré faire sans. Pour lui trouver une autre qualité, c'est plutôt vers le son qu'il faut s'orienter. Pas les bruitages déglingués, mais les musiques, assez agréables malgré leur simplicité. Le moteur son ressemble à celui de développeurs britanniques, Rare, Software Creations, en moins bien utilisé.

Pourtant, allongé sur le divan du psychiatre, ce n'est pas à ses quelques qualités qu'on pense en évoquant le jeu; c'est au game design calamiteux, à la quête ennuyeuse, aux absurdités du gameplay. Hook est une honte sur NES, mais une petite honte, car elle nous ménage et prend toujours soin de demeurer "accessible" — mot que nous moquions en début de test mais qu'il mérite malgré tout; on ne nous fait pas l'affront d'un challenge impossible, ni d'une maniabilité indomptable. C'est un jeu qui apitoie et qui n'amuse guère, mais qui ne fâche pas, qu'on ne hait pas. Dans l'univers souvent intraitable des jeux d'action, c'est une caractéristique bienvenue. On préférera quand même se limiter à un hommage verbal que de ressortir la cartouche de sa boîte... Quant à l'équipe de développement, travaillant pour le compte d'Ocean, il s'agit de Painting by Numbers. Ce nom curieux ne vous dit sans doute rien. Laissez-moi vous aider un peu à les resituer: ils auront poursuivi leur croisade contre le bon goût avec un certain Cool World sur Super Nintendo. Et là, fini de croire aux accidents.

le 12 décembre 2010
par sanjuro



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