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TEST · REVIEW · CRITIQUECONSOLE NEC PC ENGINE / COREGRAFX (8-bit)


Du mouron pour les petits samouraïs.

Genpei Tōma Den

Genpei Tōma Den

源平討魔伝 (trad: « La Légende du Démon des Genji et des Heike »)
Suppléments:

Un Plan Très Utile


Cours de Japonais

 PC Engine

Développeur:
Namco

Editeur:
Namco
Genre:
Action

Joueurs:
1P

Dates de sortie
16.03.1990 Japon
trop dur Difficulté:

79%Graphismes
89%Animation
83%Son
58%Jouabilité
80%Durée de vie

59%59%
Trucs et astuces

Menu d'options:

A l'écran titre, appuyez sur Haut, Droite, Bas, Gauche, I, II.

Ce menu contient :

なんいど : Difficulté
くなんのみち : pénible
いばらのみち : épineux
あんいのみち : facile

いのち : Vies

くにえらび :
Sélection du Niveau
なし : sans
あり : avec

おんがく : Musique
こえ : Voix

Il y a quelques jours, ma CoreGrafx est tombée malade. Elle est devenue plus pâle qu'une PC Engine. Ses manettes dégoulinent de sueur et une odeur nauséabonde émane de ses prises. Des boutons purulents sont apparus sur sa face. Ils portent des noms bizarres (Kaput, Owari...); je n'ai pas osé appuyer dessus. Je m'inquiète pour elle. Cela a commencé quand je lui ai offert un ancien jeu de Namco, qui semblait pourtant en bon état.

Mercredi, dans la journée, après une brève agonie et de nombreux clignotements, ma console est morte. J'ai été bien triste et suis encore incrédule. Mais le pire était encore à venir. Durant la nuit, un rire sournois me réveilla. Quelle ne fut ma surprise de découvrir dans le salon ma CoreGrafx entourée de bougies, fardée de blanc et dotée d'une crinière rouge ! Elle flottait, cherchant en vain une issue. Depuis, je suis hanté par ce fantôme.

Bien sûr, je savais que Genpei Tōma Den n'était pas très bon... Mais à ce point !! Je me suis rendu à l'instant sur 1UP pour relire le test. Quand j'ai vu les premières lignes, je n'ai pu réprimer un frisson d'angoisse. Ma CoreGrafx me pardonnera-t-elle jamais de l'avoir empoisonnée ?!

Le Mal par le Mal

Notre héros se nomme Kagekiyo et il est mort. Vraiment mort, en l'an 1196. Taira no Kagekiyo était un samouraï durant l'ère Heian, lorsque le Japon était divisé entre deux clans rivaux, les Genji et les Heike, comme la France avait vers la même époque les Capétiens et les Plantagenêts. Leurs intrigues et leurs batailles sont racontées dans une épopée célèbre, Le Dit des Heike. Leur rivalité culmina durant la bataille de Dan-no-ura, en 1185, qui se solda par la défaite des Heike, dont Kagekiyo faisait partie.

Kagekiyo survécut, mais il ne voulut pas en rester là. Quelques années plus tard, il se rendit à Kamakura, où les Genji avaient installé leur fief, pour tuer leur chef, Minamoto no Yoritomo. Il fut capturé avant d'avoir pu accomplir son dessein et jeté en prison, où, refusant de boire et de manger, il mourut.

Mais selon Namco, qui le ressuscita dans une borne d'arcade en 1986, son âme n'était pas prête à reposer en paix. En effet, Dieu s'inquiétant des agissements maléfiques de Yoritomo au Japon, il ordonne à la vieille Anda, qui veille aux passages des morts sur la rivière Sanzu aux Enfers, de choisir un vaillant parmi les Heike afin de le renvoyer sur Terre pour éliminer le shogun. Son choix se porte sur Kagekiyo, dont la vengeance inassouvie en a fait un démon, le Tōma du titre. Son visage est blanc comme un linceul, ses cheveux rouges comme le sang et son visage figé dans une expression de douleur perpétuelle.

Une fois qu'il se sera extrait des Enfers, ce qui n'est pas trop difficile, Kagekiyo devra se rendre à Kamakura, où réside Yoritomo. Il lui faudra traverser le pays d'ouest en est, en suivant le chemin de son choix parmi les nombreuses provinces qui le composent. Mais même pour un mort, sa mission sera périlleuse. L'enfer n'est jamais loin et la vieille Anda le presse. Et puis surtout, Yoritomo est invincible ! Pour le vaincre, Kagekiyo devra réunir les 3 trésors cachés : l'épée, le miroir et le steak d'hippopotame !

De Loin, De Haut, De Près

Genpei Tōma Den a une structure unique et complexe. Il y a trois types de niveaux dans le jeu : en vue éloignée, comme dans un jeu d'action ordinaire; en vue rapprochée, avec des sprites énormes, qui font plutôt penser à un jeu de combat même si le genre lui ne change pas; et enfin en vue surélevée, à la Kick Off, qui est la moins fréquente. Ces vues se succèdent dans les premiers niveaux du jeu pour nous familiariser immédiatement avec elles.

Dans une vue comme dans une autre, le gameplay reste à peu de chose près identique. On frappe avec son sabre, on peut sauter, on ramasse des sphères colorées que les ennemis laissent derrière eux, parfois d'autres items aussi, et on recherche des portails, les fameux torii rouges, qui nous conduiront au lieu suivant. Les niveaux contiennent parfois plusieurs portails, certains difficiles d'accès, qui permettent de changer d'itinéraire. Le voyage même se divise en deux parties. La première, en ligne droite, nous conduit de la province de Nagato à Kyoto. La seconde est un périple circulaire, qui part de Kyoto et doit prendre fin à Kamakura, mais que l'on peut faire en boucle, ceci afin d'obtenir les trésors cachés.

Chacune de ces deux parties a toujours trois chemins principaux, avec donc parfois des passages pour couper mais aussi des niveaux bonus avec un bouddha prodigue. Pour s'orienter, une carte apparaît brièvement entre les niveaux et chacun d'eux débute par le nom de la province (ou de la ville) où l'on est. Va falloir réviser votre géographique médiévale nippone ! Ou bien vous en remettre à notre quasi-indispensable plan.

Là où ça se complique encore est que tout, absolument tout est en japonais, même les chiffres ! Il n'y a que l'écran titre qui contienne des lettres alphabétiques. Le score, les points, même le décompte des continus, sont en idéogrammes. Heureusement encore, 1UP à la rescousse !

Pagaïe Samouraï, Aïe Aïe Aïe !

Se repérer dans son voyage est une épreuve difficile (surtout dans la seconde partie où l'on tourne en rond sans plus rien y comprendre), mais c'est loin d'être la seule. Nos souffrances commencent dès le premier niveau, aux Enfers, ce qui paraît assez logique. Kagekiyo s'est à peine matérialisé qu'il est harcelé par des crânes sur pattes d'araignées, enferré par des lanciers squelettes, percuté par des rochers bondissants et assommé de cloches lâchées par des morts ramant dans les airs.

Pendant que le ciel nous tombe sur la tête, on est repoussé d'un côté et de l'autre dans un fatras de chocs et de coups. C'est le syndrome de la bille de flipper : on est ballotté, et on ne peut regagner le contrôle tant qu'on nous cogne. Ce type de gameplay a peut-être des admirateurs masochistes, mais personnellement je ne peux pas le souffrir. Nos vies, présentées sous forme de bougies, en référence aux fantômes japonais, fondent comme neige au soleil.

Pour répondre à ces intolérables affronts, le petit samouraï hirsute ne dispose que de son sabre. Les rouleaux de parchemin lui confèrent une puissance confortable mais limitée, et la plupart du temps il doit se dépétrer avec sa seule lame nue. Les sphères violettes, rares, permettent d'en augmenter la puissance, tandis que les vertes, abondantes, sont de l'argent. Les unes comme les autres peuvent atteindre 99 unités. Mais si s'enrichir est facile, améliorer la force du sabre est un impossible calvaire.

Lorsqu'on meurt, on conserve son butin, mais pas sa force d'attaque qui est réduite à son 7 de départ. Comme si cela ne suffisait pas, elle est aussi diminuée par les coups contre des « objets durs », définition très vague. Si vous voyez une étincelle quand vous frappez, c'est probablement que votre sabre trinque et que son niveau va baisser. En somme, à moins de ne jamais mourir et de ne pas frapper à tort et à travers, on n'arrive pas à endurcir son sabre. Et étant trop faible, on succombe aux boss, fréquents, et on n'arrive à rien. C'est un pur jeu d'arcade, on en reconnaît bien là les vices fondamentaux : pour continuer, il faut payer, mais pour gagner, il ne faut jamais avoir à continuer.

Ying, Yang et Pang dans ta G... !

Une consolation tout de même est qu'à de rares exceptions, une fois éliminés, les ennemis ne reviennent pas. Et c'est là l'une des clefs du succès. On serait tenté de foncer dans le tas, mais il vaut mieux procéder par étapes, faire le ménage avant de poursuivre. Seulement, il faut nettoyer vite ! Car, autre vacherie importée des arcades, si vous traînez dans un niveau, la vieille bique vous envoie son aigle. Cette plaie volante vous picore le crâne, mais surtout, suprême horreur, la vieille continue de vous déverser sa volière tant que vous n'avez pas fini le niveau ! Vous vous souvenez de cette scène des Oiseaux d'Hitchcock où Melanie est enfermée dans le grenier ?

Les niveaux en vue rapprochée sont plus simplistes dans leur déroulement que les deux autres. On y rencontre presque toujours un boss, les deux mêmes, Benkei et Yoshitsune, un colosse et un nabot ricanant, eux aussi des personnages célèbres. Avec ses membres ballants animés les uns indépendamment des autres, Kagekiyo ressemble pour sa part à un grand pantin désarticulé. Ces séquences se démarquent encore par de longues portions vides, où l'on court pour des raisons purement esthétiques, comme dans un film japonais.

Les niveaux en vue éloignée ont aussi leur particularité : si l'on tombe dans un trou, on ne meurt pas mais on se retrouve dans Yomi, l'au-delà. Un court mais pénible niveau au bout duquel nous attend Enma, le roi des Enfers, entouré de 8 cercueils. Certains ramènent à la surface, d'autres nous tuent instantanément. Plus on tombe, moins on a chance de revenir. C'est vicieux. Une façon de faire durer nos tourments en faisant miroiter un faible espoir.

Les niveaux en vue surélevée, dont Yomi fait partie, sont peut-être les plus amusants. Kyoto en particulier. La capitale impériale est un peu plus facile et le décor par endroits est destructible. Par contre, sa composition est singulière, voire inédite : le décor est un vaste labyrinthe où tout se répète verticalement, mais si adroitement que l'on a du mal à savoir où commence et où prend fin la répétition. C'est diabolique comme procédé, très différent de ce qu'on peut voir dans Zelda par exemple.

Une autre bizarrerie, que l'on digère assez mal celle-là, est que tous les niveaux sont délimités d'un bout à l'autre par des murs invisibles placés absolument n'importe où. Pour savoir où ils sont, il faut buter dedans. Le paysage semble se poursuivre, mais non, cette barrière nous arrête, le niveau finit ici. C'est assez désagréable mais représentatif du gameplay.

Le Charme du Démon Poisseux

Un grand sentiment de contradiction régit ce Genpei Tōma Den. C'est à la fois une prouesse technique et un immense bordel. Les programmeurs ont accompli de grandes choses avec la PC Engine. Il y a des sprites énormes, d'autres petits, forts de leur multitude, ou encore animés avec une énergie furieuse, tel l'inénarrable dragon qui s'agite comme une banderole au vent en poussant des cris à la Michael Jackson. Pour rester de marbre devant ce jeu, il faut être un bonze !

Mais en même temps, les programmeurs ont aussi tellement raté le gameplay que cela donne lieu à des aberrations. Un exemple frappant sont les pierres entourées de lierre. Ces plates-formes bougent dans les deux sens. Mais à la verticale, on nous coupe le saut à la redescente, et à l'horizontale, notre bonhomme ne suit pas le mouvement, il reste figé, chaque pied tour à tour dans le vide ! A-t-on jamais vu une gaffe pareille ? En outre, il colle à ces blocs. Pas comme Hayabusa ou Batman dans leurs jeux NES, mais comme des doigts enduits de sucre, qui collent à tout sans rien accrocher. Namco en parle comme d'un don de Kagekiyo. Je vous jure, on croirait qu'ils inventent ça juste pour ne pas avoir à supprimer ces affreux bugs !

Les phases plates-formes en sont particulièrement pénibles, avec toujours Yomi qui nous pend au bout des pieds. Mais à l'infernale jouabilité, des qualités originales font pendant. Par exemple, cette idée folle : en arrière-plan, le jour et la nuit se succèdent en accéléré ! On voit le soleil se lever, puis la lune, le ciel passer par dix gammes de bleu (toutes aussi laides les unes que les autres). Ca ne sert pas à grand-chose, mais c'est si peu commun que c'est quand même à son avantage.

Genpei Tōma Den n'est pas un beau jeu; rappelons tout de même qu'il date de 1986 en arcade et qu'il est ici fidèlement adapté. Les musiques ne sont pas meilleures. L'une d'entre elles en particulier, dans Yomi, fait penser aux Simpsons sur NES. Si 1UP était un site de rencontre, je crois qu'on aurait pu faire un couple de ces deux-là. En revanche, il y a un domaine où le jeu de Namco excelle, ce sont les digits vocales.

La vieille Anda parle, ricane, Kagekiyo grogne, lance des exclamations, comme Benkei, Yoshitsune et d'autres ennemis beaucoup moins importants. Je n'ai jamais vu un jeu 8 ou 16 bits aussi bavard, Neo Geo incluse ! Il y a 40 digits en tout, mélange égal de cris et de phrases. La ROM fait 4 mégabits, ce qui est assez large pour une HuCard et semble effectivement nécessaire pour faire rentrer tous ces sons et ce graphisme.

Morflé aux Enfers

Les aventures de Kagekiyo ne sont pas de tout repos. Le gameplay est confus, médiocre, et même moins que ça parfois, exécrable, dans ces scènes vers la fin où il faut se tailler un chemin entre des boules à pointes, certaines en mouvement. On n'arrive pas à croire qu'il a été testé avant d'être commercialisé. Le jeu est injuste comme seul un descendant des arcades sait l'être. Un sabre fort a le pouvoir de transformer l'insurmontable en facile, mais malgré les continus infinis, cette chance ne nous est jamais donnée.

Une difficulté impitoyable et une jouabilité approximative, son sort semble réglé. Et pourtant... on rechigne à abandonner ce démoniaque enfant. Ses niveaux sont brefs et variés, ses chemins multiples, la technique est impressionnante, ses usages surprenants, et son rythme frénétique voire un peu hystérique joue tour à tour en sa faveur et contre lui. Même s'il ne fait jamais preuve de génie, il ne manque pas d'originalité. La culture japonaise évidemment l'isole mais elle en fait aussi un objet de dépaysement et, peut-être, d'attrait.

Genpei Tōma Den ne laisse pas indifférent, et dans le monde des jeux vidéo, c'est déjà beaucoup. Comme les Enfers, il épouvante et fascine à la fois. Kagekiyo a pu en sortir, mais vous, possesseurs de PC Engine, méritez-vous d'y aller ?

le 6 mars 2019
par sanjuro



Jeu testé en version japonaise
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