NES Super Nintendo Master System Mega Drive PC Engine Neo Geo

select a console »
TEST · REVIEW · CRITIQUECONSOLE SUPER NINTENDO (16-bit)


Si la lame de Kaor ne l'avait arrêté, le coq aurait certainement poussé son "Cocorico !"

Legend

Legend

Suppléments:
EXCLUSIF!
Entretien avec les Auteurs

 Super Nintendo

Développeur:
Arcade Zone

Editeur:
Seika / Sony
Genre:
Beat'em up

Joueurs:
1-2P

Dates de sortie
04.1994 USA
09.1994 Europe
bonne Difficulté:

92%Graphismes
90%Animation
87%Son
92%Jouabilité
85%Durée de vie

88%88%

Son regard est torve, mauvais, presque sanguinaire. De puissantes maxillaires encadrent une machoire volumineuse où est figée une expression profondément antipathique. Les muscles de ses bras se nouent en un seul bloc au bout duquel se balance, légère comme une plume, une large épée d'acier. Cette gueule de brute qui s'avance, prête à tailler en pièces tout ce qui vient à sa rencontre (y compris le joueur venu lui demander un autographe), c'est Kaor, le héros.

Sacrebleu ! Si le héros ressemble à ça, à quoi ressemblent les ennemis ?

Roulant ses chicots dans une grande bouche qui lui pend sous le nez comme une sacoche, un paysan téméraire accourt pour servir d'exemple. Malgré son dos voûté, sous les haillons se dessine un corps trapu, musculeux. Il empoigne une lance à deux mains avec laquelle il aimerait bien embrocher l'intrus. Kaor ne connaîtra cependant pas le même sort que les poulets du paysan, d'un geste vigoureux il fracasse le crâne du malheureux mettant fin aux quelques bytes d'intelligence qui y résidaient.

Dans Legend, tout le monde a une gueule de brute épaisse et des excès de muscles à s'en crever la peau. Pour l'amour du beat'em up, il fallait bien ça !

Kaor et Igor Sèment la Mort

Quand ça arrange le second joueur, Kaor a un frère, Igor. Igor préfère la hache à double tranchant à l'épée; avec son costume anthracite, c'est le seul moyen de le différencier de son frère. Ces jumeaux se ressemblent comme deux gouttes de sang, jusqu'à l'expression renfrognée de leur visage. C'était vraiment la solution de facilité; on aurait aimé diriger des personnages physiquement différents, au moins de la tête, plutôt qu'une copie décolorée à la mode d'un jeu de combat. Clonage ou pas, on s'éclate vraiment à deux dans ce mode indispensable. Legend est un de ces jeux furieusement bourrins, aussi intelligent que ses protagonistes, où l'on n'a besoin de se soucier de rien, d'aucune subtilité, où tout ce qu'il y a à faire est de bien taper, un de ces jeux taillés sur mesure pour le grand chahut des parties à plusieurs.

C'est à peine aussi si on se soucie de l'histoire. Il faut aller tout au bout de la route, the long and winding road, où nous attend un certain Clovis, fils du despote Beldor ("et fils de pute !" rajoute Kaor de sa voix rauque), qui tente de s'approprier le pouvoir de son père pour mettre une nouvelle fois le royaume de Sellech à ses pieds. Drôle de personnage que ce Clovis. Quand on finit par le rencontrer, on ne suspecte pas qu'il s'agit là du boss final. Une toute petite tête surmontée d'un chapeau en pointe posé sur une montagne de muscles, un faciès épaté, un long cimeterre doré, il ressemble à un djinn ou à une version malfaisante du génie d'Aladin. D'ailleurs, trois esprits s'échappent occasionnellement d'une jarre pour venir lui restaurer une partie de son énergie.

Et puis bien sûr, Clovis porte le nom du roi des Francs. Peut-être pas tout à fait une coïncidence puisque Legend est après tout un jeu français ! Le saviez-vous ? Legend a bien sûr toujours été présenté comme un jeu européen mais ses origines exactes m'étaient personnellement inconnues ou m'étaient complètement sorties de la tête. Quelle surprise alors de découvrir un jeu français de cette trempe, qui tient la dragée haute aux productions japonaises ! Cela le place immédiatement aux côtés de Mr. Nutz comme un de nos meilleurs produits nationaux sur consoles de la période 8 et 16 bits, bien loin des semi-réussites peu originales d'Infogrames et Titus. C'est d'autant plus fort et surprenant que Legend est uniquement le fruit du travail de deux hommes qui ensemble ont tout accompli: programmation, graphisme, musique. Alors, avec quinze ans de retard, un grand coup de chapeau à messieurs Carlo Perconti et Lyes Belaidouni !

Stupeur et Tremblements

Leur plus bel accomplissement avec Legend est d'avoir bien compris ce qui fait un grand jeu d'action Super Nintendo à la manière de ceux de Konami ou Capcom: il faut en mettre plein la tête au spectateur-joueur. On pourrait croire que l'action d'un beat'em up, où tout n'est que combat, se suffirait à elle-même, mais non, il faut savoir orchestrer tout cela. Déjà, Legend ne se déroule pas comme un beat'em up ordinaire, on s'y bat à l'arme blanche et non aux poings, comme dans Golden Axe et la pseudo-trilogie heroic fantasy de Capcom (Magic Sword, Knights of the Round, The King of Dragons). Il n'y a presque pas de coups différents, ce qui le rapproche encore davantage de Golden Axe tout en l'éloignant, en le singularisant, des beat'em ups de la Super Nintendo.

L'ultime référence au jeu de Sega, c'est la magie sous forme de potions. Dès qu'on en a deux, on peut libérer un pouvoir magique terrible qui agite l'écran comme si la télé était tenue par un danseur russe et qui engouffre les vilains sous un déluge de lumière rouge, jaune ou verte, accablés d'éclairs et de vomissures de crâne. Le plus drôle quand même dans tout ça, c'est que les ennemis se relèvent, peu troublés et même pas morts. Beaucoup de tapage pour pas grand chose ? Les combats de Legend procurent un plaisir qui découle de leur caractère brut: le choc des armes, soutenu par des bruitages saisissants de réalisme comme du fer tapé sur l'enclume, en est l'essence même. Et de ce fait, le charme du jeu n'est pas garanti de fonctionner sur tout le monde. Certains n'y verront sans doute que répétitivité, les joueurs contemporains en particulier, qui, par leur indifférence, sont ceux après tout qui auront tué les beat'em ups.

La Traversée Infernale

Cependant, comme nous l'expliquions plus haut, Legend possède la formule des grands jeux d'action. C'est sa capacité à étonner visuellement, à filer de ces claques dont les joues rougissent de plaisir, au travers d'une diversité de situations qui entretient la curiosité. La maître mot ici est level design. On débute dans une forêt — qui reviendra souvent par la suite sous des teintes différentes, en faisaint un peu le point faible du dit design — elle se termine au bord d'un gouffre qu'un arbre abattu permet de franchir mais gardé par l'un des mini-boss qui ponctuent le jeu, ici un perchiste fou. Au-delà s'étendent des marais brumeux. Les monstres qui les hantent, des êtres fangeux à face de squelette sont l'une des rares créatures surnaturelles qui croisent le chemin de Kaor et d'Igor.

Un magicien dont la maison était enfouie sous un arbre maléfique nous remet une carte, celle-ci est quelque peu ensorcelée puisque animée en mode 7, comme tout bon plan de la Super Nintendo. La prochaine étape est une ville borgne sous une pluie battante, et en particulier son auberge, grande comme un supermarché, où une série d'escaliers nous conduit de la salle des repas aux chambres. Après avoir réglé son compte, littéralement, à l'aubergiste, on reprend son escapade sylvestre, cette fois de nuit, direction un temple peuplé de magiciens et dont l'architecture croule sous les gargouilles. Dans le niveau suivant, on s'en va moudre de coups les ennemis qui se sont emparés d'un vieux moulin.

Chemin faisant dans l'éternelle forêt, une surprise nous attend. Arrivé à un pont, on est attaqué par un arbalétrier dont l'arme projette des filets. Si l'on se fait prendre, il faudra avant d'arriver au moulin traverser un niveau supplémentaire intégral, la prison, qui regorge de bourreaux masqués. Quant au moulin, c'est une tour en ruine que l'on escalade par un système d'ascenseurs à poulie et que garde un beau dragon rouge. C'est dans son antre que se déroule le niveau suivant et là le jeu prend un tour quelque peu bizarre puisqu'on se retrouve parmi des hommes des cavernes. Se serait-on égaré dans Joe & Mac ? Cela vaut en tout cas le coup d'oeil. En termes d'animation du décor, c'est l'un des niveaux les plus impressionnants: un rideau de flammes voile le premier plan tandis que le décor de fond utilise une technique de distorsion similaire à celle de Prince of Persia pour illustrer la chaleur volcanique.

Mais le meilleur est encore à venir avec le boss, une espèce de yéti velu hystérique. A un moment du combat, la plate-forme sur laquelle on se bat se détache de la montagne et s'en va dégringoler sur les parois à grand renfort de mode 7 dans un effet vertigineux assez bluffant. Ca rebondit dans tous les sens et mieux vaut ne pas oublier d'amener sa cuvette pour parer un haut-le-coeur trop violent. Nous voici enfin dans l'antre de Clovis, après bien sûr un bout de chemin dans la forêt. On y retrouve les ennemis habituels, sur des passerelles en escalier ou le long de couloirs entrecoupés d'énormes portes en chêne que l'on fait sauter d'un bon coup d'épée. C'est un niveau assez grand dans lequel on rencontre même le premier mini-boss. On se demande alors avec angoisse si l'on va devoir ré-affrontrer chacun des boss. A la manière de Konami-Capcom jusque dans leurs défauts ? Heureusement non, Arcade Zone aura bien fait les choses jusqu'au bout, et la conclusion arrive juste quand elle se doit.

Plein la Gueule

Comme on l'a vu, Legend fait un bon usage des effets propres à la Super Nintendo, pas autant par exemple que Turtles in Time mais bien plus que Final Fight. La transparence est largement utilisée avec le brouillard, il y a aussi des variations de lumière en temps réel originales qui altèrent imperceptiblement les teintes de l'image. Ce qu'on ne peut pas non plus manquer de voir est à quel point les auteurs se servent du premier plan. Batman Returns de Konami avait donné le ton, mais Legend pousse le procédé beaucoup plus loin en utilisant des pans de décor immenses: troncs d'arbres, colonnes massives, murailles, statues. C'est impressionnant et enrichit considérablement la perspective. Cependant, peut-être poussent-ils l'idée un peu trop loin: la vue est parfois encombrée d'éléments si larges que l'action nous en est cachée. La cause esthétique doit s'arrêter là où commence celle du gameplay.

Celui-ci justement est très bon dans l'ensemble, en grande partie grâce à sa simplicité qui permet de frapper avec précision. Le coup de pied sauté permet lui de se dégager et de se déplacer rapidement d'un côté à l'autre de l'écran. On note quelques bugs: l'écran qui n'avance pas toujours quand il devrait, des clignotements sévères des barres de statut lors de scènes intenses, d'autres plus discrets des personnages quand ils deviennent un peu trop nombreux. Rien de bien désagréable toutefois, ni d'imprévisible au vu de la taille impressionnante des sprites qui ont d'amples mouvements quand ils lancent le bras pour porter un coup. Quant à la musique, quoique moins galvanisante que les bruitages, elle est assez bonne avec des airs européens et moyen-âgeux qui évidemment vont parfaitement de paire avec l'univers du jeu.

Le Barbare Triste

Contrairement à ce que son nom peut suggérer, Legend n'aura malheureusement pas laissé derrière lui un souvenir impérissable. Ce n'est pourtant pas la faute de ses auteurs qui ont accompli un magnifique travail: non seulement le graphisme est d'une qualité exemplaire sur Super Nintendo, mais la programmation tire parti des meilleurs atouts de la console, ce que ses fans ont toujours su apprécier. Ce n'est pas non plus que le jeu est ennuyeux: il est très varié et amusant, surtout à deux. De plus, qualité rare pour l'époque, c'est un beat'em up accessible, dont on peut espérer voir la fin même si on ne joue pas comme un dieu. On pourrait alors l'accuser d'être trop facile, principalement à cause des continus infinis, mais la concurrence en face avait elle plutôt tendance à rendre ses jeux trop durs, d'où un certain équilibre.

La concurrence, parlons-en, est-elle à incriminer ? Ses beat'em ups auront-t-ils fait de l'ombre à Legend ? De nouveau une réponse négative. Si la Super Nintendo a eu en effet beaucoup de beat'em ups, nombre d'entre eux sont inférieurs au titre d'Arcade Zone et surtout très peu finalement seront sortis en France, qui n'aura fait qu'entrapercevoir Final Fight 2 et 3 (qui existent en version euro mais sont des raretés) et n'aura jamais connu les Sonic Blastman, Undercover Cops et les suites de Rival Turf. Alors qui est à blâmer pour ce passage incognito d'un jeu qui méritait bien plus d'attention ? Sans doute les éditeurs, Seika aux Etats-Unis, Sony en Europe, qui n'auront pas fait l'effort de bien promouvoir le jeu. Qu'on ne sache même pas en France qu'il s'agisse d'un jeu français en dit long !

C'est d'autant plus triste qu'on peut effectuer un cinglant parallèle avec Mr. Nutz, autre jeu français réalisé par deux personnes (trois en fait avec le compositeur) et sorti en 1994. En une semaine, tous les exemplaires de Mr. Nutz s'étaient écoulés ! Tout le monde savait aussi que le produit était français. La différence, c'est que Ocean n'avait pas manqué de faire parler de son jeu dans la presse: les images abondaient, on connaissait le nom de Pierre Adane, la date de sortie était anticipée et la cartouche facile à trouver. Et voilà comment Mr. Nutz trouva son chemin jusqu'au pied de mon sapin de Noël, peut-être du vôtre aussi. On aurait voulu faire suivre le même trajet à Legend que cela n'aurait pas été possible: on ne savait même pas à quoi la boîte ressemblait, ni où la trouver !

Legend fut bien victime d'une curieuse injustice qui mérite sinon réparation au moins admission, c'est à ça aussi que peut servir le retrogaming, à rattraper les erreurs du passé. Et si vous cherchiez encore une raison d'être fier des créations du jeu vidéo français, vous l'avez peut-être trouvée.

le 13 mars 2009
par sanjuro



Jeu testé en version européenne
Boîte du jeu
Version européenne



Photos choisies
Cliquer pour agrandir

Toutes les photos
Taille normale 256x224
01 | 02 | 03 | 04 | 05
06 | 07 | 08 | 09 | 10
11 | 12 | 13 | 14 | 15
16 | 17 | 18 | 19 | 20
21 | 22 | 23 | 24 | 25
26 | 27 | 28 | 29 | 30
31 | 32 | 33 | 34 | 35
36 | 37 | 38 | 39 | 40
41 | 42 | 43 | 44 | 45


Panorama
Tout sur une page


All text and screenshots: © 2001 sanjuro, 1up-games.com