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TEST · REVIEW · CRITIQUECONSOLE SUPER FAMICOM (16-bit)


Pour l'amour des mechas.

Front Mission

Front Mission

フロントミッション
Suppléments:
Mission Complete!
Tous les Plans


Scénario + Tactiques


Les Illustrations d'Amano

 Super Famicom

Développeur:
G-Craft

Editeur:
Square
Genre:
RPG tactique

Joueurs:
1-2P (VS)

Dates de sortie
24.02.1995 Japon
bonne Difficulté:

94%Graphismes
89%Animation
89%Son
90%Jouabilité
92%Durée de vie

94%94%
Trucs et astuces

Ziege Rifle:

Une des armes les plus puissantes du jeu (AT 1x99 HIT 99). Elle est cachée dans la forteresse de Kirkland, le Land Destroyer du niveau 15. Elle est dans l'angle du haut, à gauche, derrière le muret sous la rangée de cinq arbres. Elle peut se revendre pour 15000 et ajoute 700 points d'expérience à chaque utilisation.

Sound test:

A l'écran de sélection (new game/load game/continue), maintenez enfoncés L, R, Bas et A. Il y a des effets sonores des numéros 1 à 112 et de la musique de 1 à 48. 0 sert à interrompre la piste.


Les codes suivants res- semblent à des bugs ou des vestiges de débuggage:

Arenatown:

A l'écran de sélection, maintenez enfoncés L, R, Haut et A. Vous accéderez à un menu City List qui ne contient que Arenatown, une ville sans rien d'autre qu'un Colosseum en mode VS Play.

Séance Polygones:

Commencez une nouvelle partie et entrez le caractère suivant comme nom:
  ["po"]

Vous pourrez visionner les cibles en 3D polygonales du jeu. La croix de direction permet de les faire pivoter, le bouton A d'en changer. Maintenez enfoncé X pour arrêter l'image, Y pour garder le tracé, L et R pour basculer l'objet en avant ou en arrière.

Changer Roid:

Vous pouvez remplacer Roid, son nom et son image, par un autre personnage. Une fois dans une ville, allez dans Status window. Maintenez enfoncés, L, R et Bas, et appuyez sur Start pour changer de fiche et accéder à tous les personnages du jeu. Quand vous avez trouvé celui qui vous convient, relâchez tous les boutons. Maintenant, maintenez enfoncés X et Y et appuyez une fois à droite puis à gauche. Le nom, le portrait et le call sign auront été modifiés si vous avez correctement effectué la manipulation. En entrant la seconde combinaison sans avoir effectué la première, le portrait de Roid disparait et il reçoit le nom de パイロットエラー (Pilot Error).

Bug:

Appuyez sur R de la seconde manette pour effacer les dialogues ! Très apprécié des nippophobes et des secondes joueurs qui s'emmerdent.

Pour Front Mission, Square a réduit la guerre à sa plus simple expression: deux camps qui s'entretuent sur l'espace fermé d'une grande île tropicale, écho lointain aux batailles sanglantes du Pacifique de la Seconde Guerre mondiale. Il leur fallait ce champ d'action restreint pour contenir l'immensité de ce projet, où l'on suit, et dirige, la progression d'un bataillon de mercenaires à bord de robots géants sur fond d'intrigue politico-stratégique échelonnée de rebondissements. Mais qu'on y prenne garde, Front Mission n'est pas simplement emmené par un scénario, il fait partie de ces jeux ambitieux qui s'évertuent à construire leur propre réalité.

Les Origines

Pour aborder sereinement ce géant de 24 mégas de haut et de dizaines d'heures de jeu de long, une précision générique s'impose: Front Mission est un RPG tactique; ce sous-genre bien aimé des RPG, fils spirituel des jeux de stratégie, qui se caractérise par des déplacements case par case similaires à ceux de pions sur un plateau quadrillé. C'est un genre discret, assez peu représenté, un éditeur ayant rarement plus d'un RPG tactique dans son catalogue. Peu d'ailleurs s'y sont essayés, mais parmi eux on compte quelques grands noms et de franches réussites: Sega avec Shining Force, Nintendo avec les Fire Emblem, Square avec Bahamut Lagoon, pour ne citer que la période qui concerne 1UP, et puis NCS/Masaya avec Langrisser, sur Mega Drive.

Langrisser, justement, nous intéresse ici plus que les autres. Cette série de RPG tactiques d'heroic fantasy, qui penche un peu plus vers la stratégie que le jeu de rôle, n'a a priori pas grand chose en commun avec Front Mission. Lorsque le jeu est porté en 1993 sur le Super CD-ROM2 de la PC Engine, l'un des producteurs à s'occuper de cette version est un certain Toshiro Tsuchida. L'année d'avant, Tsuchida avait produit un autre titre pour Masaya, cette fois sur Super Nintendo, le classique Cybernator, jeu d'action mettant en scène un énorme robot, un mecha (prononcez "méka") dont les Japonais sont si friands. Mais Tsuchida a encore plus d'ambition, et, en 1994, il quitte Masaya pour fonder sa propre compagnie, vous l'avez peut-être deviné, G-Craft. Leur premier jeu, qui sera aussi le seul sur 16 bits, va marier la recette des deux précédents succès de Tsuchida, le RPG tactique et les mechas. Front Mission est né !

Paix et Guerre

Par une très large majorité, les RPG tactiques se déroulent dans des univers d'heroic fantasy. Le contexte futuriste de Front Mission en fait donc déjà un titre à part, même s'il faut reconnaître qu'il n'est pas un précurseur dans ce domaine puisque les robots de Super Robot Taisen se livrent bataille depuis 1991. Mais l'approche de Square, qui supervise le développement, est beaucoup plus sérieuse que celle de Banpresto. D'abord évidemment parce qu'il y a ce lourd contexte militaire et politique, mais également parce que le scénario de Front Mission se compose comme une tragédie, avec un héros homérique et tourmenté par son passé, Roid Clive (mauvaise romanisation de "Lloyd", orthographié "Royd" sur DS, mais qui est cependant le nom en vigueur).

Deux superpuissances belliqueuses, l'OCU et l'USN, se partagent l'île d'Huffman dont elles essayent de s'emparer depuis des années. Après une trève fragile, un nouveau conflit éclate en 2090. La toute première mission du jeu est un prologue qui relate des évènements récents connus sous le nom de l'Incident de Larcus, à la fois à l'origine de la déchéance du héros et de la situation actuelle sur l'île. Durant cette mission de reconnaissance, une unité de 4 pilotes de l'OCU, avec à leur tête le commandant Roid, est envoyée espionner une mystérieuse usine de l'ennemi. Mais l'opération tourne mal. Le capitaine Driscoll et un détachement de l'USN surgissent, Karen, la fiancée de Roid, est apparemment tuée et ce dernier, ignorant les ordres, ouvre le feu sur l'ennemi. La guerre est déclarée, c'est le début du Second Conflit d'Huffman.

Lorsqu'on retrouve Roid, la guerre bat son plein, mais sans lui. Privé de ses galons pour son implication dans l'Incident de Larcus, dont il porte aussi la culpabilité morale tout au long du jeu, il livre désormais des combats de mechas dans l'arène de la ville de Barinden, sur la côte d'ouest d'Huffman, sous contrôle de l'OCU. Ce jour-là, quelqu'un veut lui parler. C'est le colonel Olson, qui a une proposition pour lui: il veut que Roid prenne la tête de son bataillon de mercenaires, le "Canyon Crow", qui effectue des missions en parallèle de l'armée régulière. Roid accepte lorsque Olson lui affirme qu'il aura une chance de traquer l'assassin de Karen. Roid retrouve son ami et ancien lieutenant de l'OCU, Ryuji Sakata, et fait la connaissance de Natalie (jolie blonde, mais ce n'est pas la belle Karen !). Maintenant vont enfin commencer le recrutement de nouveaux membres et la longue phase de modification des Wanzers.

Ich Bin Ein Japaner

Un Wanzer, késako ? C'est le nom donné aux formidables mechas bipèdes (ou à chenilles) de Front Mission. Et là, d'ailleurs, profitons-en pour faire une aparté étymologique. Le nom Wanzer est en fait la contraction de l'allemand Wanderung Panzer, qui veut dire "tank marcheur", s'il faut en croire des germanophones dont je ne fais pas partie. Ce qu'il y a d'intéressant là-dedans est qu'on se retrouve de nouveau avec un mot à consonance allemande comme avec Langrisser. A croire que pour les Japonais la guerre a des intonations teutoniques (ce qui n'est pas totalement dénué de sens). Mais il y a peut-être une autre raison derrière ce choix.

Pour le design et la visualisation des Wanzers, Square s'est adjoint les services de l'artiste Kow Yokoyama, un spécialiste de la modélisation de mechas et dont l'univers très prisé des fans porte le doux nom de Maschinen Krieger ZbV 3000 (simplement "SF3D" à l'époque, mais le contenu était le même). Deux factions s'affrontent aussi dans ce futur-là, l'IMA et la SDR; la première est un groupe de mercenaires, la seconde très largement inspirée par l'Allemagne nazi, avec des panzers mechas. Une autre influence majeure de Front Mission, notamment dans l'aspect des mechas, est le jeu de plateau BattleTech, avec ses fameuses cases hexagonales, qui est aussi à l'origine de MechWarrior sur Super Nintendo.

Le reste de l'équipe du jeu mérite aussi qu'on s'y attarde car il se compose de talents multiples. Le réalisateur et les principaux programmeurs sont des anciens de Masaya qui auront sans doute suivi Tsuchida, plusieurs même ayant travaillé sur Langrisser, alors que les graphistes incluent des gens de Square (parmi eux quelques grands noms dont le futur président de Monolith) mais aussi deux anciens de chez Quest, les créateurs d'Ogre Battle, une merveille dans le genre tactique qui avait connu un joli succès en 1993 sur Super Famicom. Etonnant aussi, les deux compositeurs sont des femmes, et l'une d'elles, Yoko Shimomura, est une ex-employée de Capcom.

Mon Royaume pour un Wanzer

Mais revenons à nos Wanzers. Car dieu sait qu'ils sont importants, ces Wanzers ! RPG tactique ou pas, Front Mission ne serait pas le quart du jeu qu'il est sans ces incroyables machines et toutes les phases uniques de gameplay qu'elles entraînent. Dans le plus pur style anime, un Wanzer est un robot géant avec un pilote à l'intérieur. On peut entièrement configurer son Wanzer, en achetant des pièces et des armes dans le magasin que l'on trouve dans chaque ville. Cela remplace les phases d'équipement des RPG classiques, en étant plus intéressant mais aussi plus fastidieux, du fait de la quantité de pièces à gérer.

Chaque Wanzer se compose de 4 parties: le buste, le bras gauche, le bras droit et les jambes. A cela, il faut ajouter l'ordinateur, qui affecte les caractéristiques de combat, et le "sac à dos", un réservoir pour placer ses items (les indispensables moyens de réparation et les bombes, peu utiles). On peut ensuite l'armer de plusieurs façons: en lui mettant un ou deux fusils dans les mains ou en les laissant libres, en lui plaçant des lance-missiles ou des boucliers sur les épaules. Certains bras se terminent même en bouche de canon ! Au début surtout, on se régale de monter son Wanzer, comme un gosse construisant son premier modèle en kit, de lui donner même jusqu'au coup de pinceau final (à choisir parmi 40 couleurs !). Chaque ville offre de nouvelles pièces et l'on est ébloui, submergé par l'étendue affolante des possibilités et du travail monstrueux que l'équipe de Square, pas si énorme, a eu à fournir. Voici une cartouche qui bouffe du CD-ROM pour son p'tit déj !

Pensez donc, il y a 100 armes différentes et 230 pièces détachables, chacune avec ses propres données (défense, précision, etc); on en compte même des cachées comme le Ziege Rifle (voir astuces). Et contrairement à la plupart des RPG, où l'équipement est mentionné par le texte sans vraiment être représenté à l'écran, ici, TOUT est visualisé ! et pas juste une fois, mais deux, puisque le Wanzer et son armement doivent apparaître à la fois taille large, durant les phases au hangar, et taille normale, durant les combats ! Ca ne s'arrête pas là: sur le plan, les Wanzers apparaissent en taille réduite pour faire office de pions. Si les armes ne sont plus visibles, les parties individuelles en revanche le sont bien ! Et tout ça aura dû être dessiné patiemment, soigneusement, passionnément. Car on le comprend vite, sans une passion immodérée pour les mechas, un véritable amour pour ces colosses d'acier, ce jeu n'aurait jamais pu se faire. C'est à ça qu'on devine l'importance de la participation de Kow Yokoyama et de l'influence de son travail de modelliste.

Duels

Ce travail surhumain a toutefois un coût inattendu. Aussi bon soit le reste du jeu, comment voulez-vous qu'il égalise une prouesse pareille ? C'est le contrecoup d'une telle débauche de moyens, peu de choses dans Front Mission arrivent à la hauteur du travail effectué sur les mechas; il se fait de la concurrence tout seul. Les villes ainsi sont très sommaires dans leur représentation: un écran fixe, presque toujours le même, et un menu, qui contient le magasin, l'arène, le bureau d'Olson, les fiches de l'équipe et les écrans de paramétrage du Wanzer, et un bar, où seuls les trois clients changent. L'aspect communication/exploration tient dans une pochette.

Mais cela devient sérieux dès qu'il s'agit de se battre. Pas au niveau de l'arène, qui est là surtout pour arrondir ses gages d'argent et d'expérience, nous y reviendrons, mais dans les missions mêmes. Elles ont toutes sortes de préambules: venir en aide à un Wanzer, détruire une installation ennemie, monter un assaut ou défendre une position, et même attaquer un train. Mais en réalité, ce ne sont jamais que des paravents scénaristiques. Quoi que vous fassiez, le but est toujours le même: liquider tous les mechas adverses jusqu'au plus petit robot manchot fuyard. Ce n'est pas plus compliqué que ça. L'histoire n'a quasiment aucune incidence sur le gameplay, elle n'est que le fil conducteur.

Sur le terrain, le joueur et l'ordinateur déplacent leurs Wanzers à tour de rôle. La moindre caractéristique de votre machine est influencée par les pièces que vous avez utilisées pour sa construction et par les aptitudes de votre pilote. Les jambes et la masse totale de votre création par exemple, déterminent la longueur de ses déplacements et sa faculté à surmonter les élévations du décor. Les missiles et certaines armes, comme le bazooka, permettent d'attaquer à distance; autrement, lorsque vous vous retrouvez l'un contre l'autre, c'est le face à face. Une fois son arme choisie, ou sa défense si l'on est attaqué, on assiste à l'action comme spectateur. Même en vue rapprochée, la perspective reste de trois-quarts, ce qui donne au jeu une certaine cohérence visuelle.

Les points de vie d'un Wanzer sont répartis dans ses membres, en sorte qu'il est possible de détruire les bras séparément, pour le rendre impuissant, les jambes, pour le ralentir, ou le buste, pour l'anéantir instantanément. La stratégie sur le champ de bataille cependant n'est pas extrêmement poussée pour un RPG tactique. Peut-être parce que tous les Wanzers par définition sont des attaquants. Il y a bien un camion de ravitaillement, mais chacun assure ses propres réparations. L'ennemi a bien sûr des vulnérabilités à exploiter et l'union fait toujours autant la force, mais l'essentiel de l'aspect tactique se déroule avant, dans la sélection des pièces et l'assemblage des Wanzers, pour tirer le meilleur parti des forces de chaque pilote et pallier leurs faiblesses. Il faut en particulier faire attention au Wanzer de Roid. S'il explose, la mission échoue aussitôt. Un ennemi un peu chanceux, qui parviendrait à porter deux coups dans le torse, pourrait le tuer. Alors comme tous les généraux, on a tendance à placer Roid lâchement, loin derrière tous ses soldats.

Un Bras d'Expérience

Front Mission possède un système d'expérience assez particulier, dont les subtilités ne sont pas faciles à saisir. Il y a un total général d'expérience qui est la somme de 4 niveaux techniques, un pour chacune de nos aptitudes de combat: Fight (pour le corps à corps), Short (pour les armes à feu), Long (pour les missiles) et Agility (pour l'esquive). Selon le type d'attaque qu'on privilégie durant un duel, on gagne des points d'expérience dans l'une de ces catégories. Et lorsque le cumul de ces points est assez élevé, on passe au niveau suivant, en recevant comme gratification quelques points en plus dans tous les niveaux techniques, y compris ceux qu'on utilise peu ou pas.

Ce sont donc eux qui ont de l'importance et non le niveau général, simple indicateur. Après avoir atteint 9999 points dans un niveau technique cependant, on ne progresse plus. Pour augmenter ses autres capacités, il faut alors prendre le risque de s'en servir. Et si elles sont basses parce qu'on a spécialisé son pilote dans tel ou tel type d'attaque, on se retrouve alors avec un Wanzer inefficace. Contrairement aux RPG habituels, il faut donc faire attention à la gestion de son expérience et à sa technique de combat. En outre, avec l'accroissement des niveaux techniques, on reçoit des "skills", comme Guide, Switch, Double et j'en passe, aptitudes de combat, elles aussi graduées, qui permettent par exemple de viser les membres de l'ennemi ou de multiplier les tirs.

Cela dit, même sans tenir compte de cette mise en garde, le jeu reste abordable jusqu'à la fin. Parmi les 30 missions qu'on dénombre, de l'avis général, c'est curieusement la septième, contre le Hell's Wall, qui est la plus difficile ! L'USN dispose de grosses machines, notamment des chars d'assaut arachnides dotés de canons lourds, mais avec un peu de patience on arrive à en venir à bout. La difficulté semble dosée de façon à ce que même si vous n'avez pas toujours fait les meilleurs choix précédemment dans la sélection de votre équipe, vous avez quand même une chance de vous en tirer. Une différence de taille par rapport à un RPG ordinaire cependant, est qu'il n'y a pas de rencontres aléatoires. Il n'est donc pas possible de faire du "leveling", d'éliminer des Wanzers juste pour l'expérience. L'arène est censée pourvoir à cette fonction, mais à cause du système de coefficient des paris, si votre Wanzer est déjà jugé trop fort il ne gagnera ni expérience, ni argent supplémentaires. A noter aussi que l'arène offre un mode VS Play, souvent négligé. Ce mode permet d'affronter un autre joueur qui peut importer des machines de sa propre cartouche grâce à un système de mots de passe compliqués de 44 caractères de long. Et ça marche, nous l'avons testé.

Canyon Crow

Les nouveaux membres se joignent à notre équipe par le biais du scénario ou suite à une mission, mais il y en a quelques-uns aussi, comme Alder ou Gregorio, qui sont optionnels et que l'on récupère après une bataille au Colosseum. Canyon Crow peut ainsi compter jusqu'à 17 pilotes ! On ne peut pas tous les emmener dans chaque mission, on est généralement limité à 8 ou 11, et c'est sans doute mieux comme ça. Gérer autant de machines finit par devenir fatigant. A chaque nouvelle ville, il faut rééquiper tout le monde, avant chaque mission, faire le réapprovisionnement en items. On ne s'en sort plus. On passe plus de temps à s'équiper qu'à combattre. C'est comme de nourrir une grande famille, arrive un moment où l'on souhaiterait bien se débarrasser des plus faibles.

A l'exception d'une cut-scene après la mission 5, tout le scénario du jeu nous est livré sous forme de dialogues. Heureusement, pour mieux faire passer la pilule, Square utilise des portraits assez larges (64x80 pixels) des personnages, comme on en voyait parfois sur CD-ROM, inspirés des esquisses de Yoshitako Amana. Ameno, Almana, Armani... enfin, le gars qui dessine, quoi. A l'exception du vilain Yeehin, tous sont très beaux et finement animés, juste un soupçon de mouvement sur les paupières et les lèvres. Le texte, à ce propos, est en japonais puisque cette version n'aura jamais été distribuée en dehors du Japon. Des années plus tard, en 2002, elle aura été convertie avec succès sur la WonderSwan Color de Bandai, puis remaniée peu après pour la Playstation, avec un second scénario du point de vue de l'USN. Cette dernière version aura finalement servi de base au jeu DS sorti il y a cinq ans, le seul à avoir été traduit en anglais. Sur Super Famicom, à défaut d'être compréhensible, il reste jouable puisque absolument tous les menus sont en anglais, y compris le nom des armes et des pièces.

Nirvana Engine

Les Wanzers de Front Mission sont contemporains des entrecroisements temporels de Chrono Trigger: les deux jeux sont sortis presque en même temps, en 1995. Une jolie année pour Square (et sans l'aide d'un Final Fantasy !), qui atteignait sa maturité sur Super Famicom. On s'en rend bien compte avec le graphisme et le son, une bonne marge au-dessus de leurs productions de 1994 (Final Fantasy VI et Live A Live). Visuellement, le jeu mélange plusieurs styles avec habileté. Outre ces portraits incisifs dont nous avons parlé et le réalisme poussé des mechas à toutes les échelles, les graphistes utilisent occasionnellement des semblants d'images digitalisées, pour les villes et l'intro. La vue rapprochée bénéficie aussi de décors très détaillés et suffisamment nombreux.

Les cartes mêmes sont un peu moins convainquantes. Elles ne sont pas vilaines, juste un peu carrées. Au début on n'y voit pas de mal; elles sont adéquates pour l'action, c'est ce qui importe. Mais sur la durée, on constate qu'elles ne s'embellissent pas et qu'on nous ressort un peu toujours les mêmes environnements, le versant de colline boisée surtout (on le voit bien dans notre supplément), ou les docks, qui servent de fond à trois missions finales. Un peu d'effort sur la diversité et l'esthétique n'aurait pas fait de mal. Pourquoi n'y a-t-il pas plus de beaux niveaux comme le canal illuminé de la mission 8 ?

Si l'animation n'est pas exactement le point fort du jeu, il y a plusieurs détails intéressants à son sujet. Son usage le plus flatteur vient de l'artillerie, très impressionnante associée aux effets sonores. Sur certains canons mitrailleurs, on peut voir les douilles qui pleuvent. Les missiles laissent de la fumée derrière eux et des batteries comme le Donkey DXII éjectent leurs fusées sans ménagement. Et puis il y a les tirs mêmes, des déchargements rageurs, terribles, qui arrachent par éclats le corps des Wanzer comme cent mains furieuses. Quelle violence ! Quel régal ! Pas de mauvaise conscience, ce n'est que de la ferraille. Les attaques les plus puissantes produisent une réaction éphémère, comme une colonne de feu, très joliment mise en valeur par la transparence de la Super Nintendo.

Mais les programmeurs avaient surtout un défi de taille: l'animation des mechas durant les combats. Puisque ceux-ci sont composés de 4 pièces indépendantes qui existent en des dizaines de variétés chacune, comment animer tout ça ? Chaque pièce est un sprite, mais ils ne pouvaient créer des animations pour toutes, ils n'en auraient jamais vu la fin ! Alors qu'ont-ils fait ? Eh bien, ils ont rusé. Quand on regarde les duels, les mechas semblent bien vivants; leurs membres se soulèvent au rythme de leur poitrail, comme des athlètes en plein effort respiratoire. Mais si on observe de plus près, on remarque en réalité que ces membres s'agitent sans jamais se plier. Les bras sont fixes, et même un punch n'entraîne qu'un changement de sprite. Les Wanzers ne marchent pas non plus, ils glissent sur le sol. Ils leur arrivent de faire un pas en avant, mais c'est fait simplement en changeant l'alignement des jambes. Les sprites ont dû être dessinés sous quatre angles (à cause de l'esquive), mais grâce à ces astuces, ils n'ont pas eu à leur donner d'animation individuelle, tout est fait simplement en changeant leurs coordonnées spatiales ou en substituant un sprite par un autre.

Quant à la musique, que dire. D'un côté, le moteur son, la technique pure, est si impressionnant qu'on a du mal à reconnaître la sonorité habituelle de la Super Nintendo. Les mélodies sont complexes, avec des sons clairs, limpides, exécutés par des instruments inédits sur la console. Les tintements et les notes stridentes ont un rendu fantastique. C'est si bon que ça ne ressemble pas à de la Super Nintendo. Mais est-ce vraiment un compliment ? Car d'un autre côté, esthétique et artistique celui-là, il faut admettre que les compositions ne sont pas spécialement inoubliables. Bizarrement, quelques-uns des meilleurs morceaux font partie de ceux qu'on entend le moins, comme la musique percutante utilisée dans la séquence juste après le titre (une succession de pubs d'armes par des compagnies fictives, réalisée d'ailleurs dans le rarissime mode haute résolution de la console) ou deux ou trois autres sur le plan. La musique de Front Mission est une réussite technique, qui va comme un gant à son ambiance militaire, mais auquel il manque un peu d'âme, à l'inverse de celle de Chrono Trigger qui possède les deux.

Mon Mech à Moi

Même s'il y eut d'autres bons jeux après, je crois qu'en 1995, à la sortie de Front Mission et Chrono Trigger, l'engouement pour la Super Famicom était à son comble, et ce au Japon comme en France, par le biais des rubriques imports des magazines. D'ailleurs, un an plus tard, Square en avait définitivement fini avec elle; ils quittaient Nintendo et passaient dans le camp adverse, celui de la Playstation et de Sony, sans regret, tant ils avaient donné d'eux-mêmes sur cette console.

Front Mission est un jeu riche qui fait une très forte impression, surtout quand on a longtemps bavé dessus, parole d'escargot, mais malheureusement, c'est une impression qui s'érode sur la durée. On a évoqué plusieurs raisons à ça: l'aspect stratégie un peu léger pour un RPG tactique, la linéarité finalement du game design (similarité des plans, des missions), les villes creuses, l'exploration absente. Il y en a d'autres encore. La jouabilité souffre de petites lourdeurs, le ciblage se fait souvent sur l'ennemi le plus éloigné au lieu de celui contre nous et certaines surfaces gênent la vue, les menus ne sont pas très agréables à naviguer, les gains d'expérience sont plein d'imprévus, le bruitage d'invalidité est exaspérant. Ce n'est jamais bien méchant, cependant à la longue, cela se fait sentir.

Mais il y a toujours un aspect qui ne cesse d'émerveiller, ce sont bien sûr les mechas. Dans ce jeu, ils sont l'absolu. La seule chose aux dimensions humaines qui arrive à se faire remarquer malgré leur présence colossale, c'est le scénario (et c'est pourquoi nous en parlons en détail séparément, dans un supplément). Comme tout ce qu'ils touchent se transforme en or, tout dans Front Mission, le bon et le moins bon, parvient à s'en sortir avec les honneurs. Les hésitations du gameplay sont balayées dans la furie des combats, les paysages monotones sont écrasés sous les chenilles des tanks, les répétitions musicales englouties dans le capharnaüm des tirs et des explosions. L'explorateur frustré se transforme en ingénieur génial, le fin stratège s'embrase quand les robots s'empoignent.

En faisant de nous des mécaniciens et des pilotes de mechas, Front Mission a permis, autant aux joueurs qu'à l'équipe de développement, de réaliser un rêve de jeunesse. Tous les enfants qui ont grandi avec Goldorak, Mazinger, Gundam, Robotech, les Transformers, mais ceux aussi qui grandiront avec Neon Genesis Evangelion, qui vient de débuter, en cette année 1995, sur les télévisions japonaises, ont désormais un jeu qui donne à leur fantasme une certaine tangibilité. Front Mission devient si prenant qu'il ne nous quitte plus une fois qu'on s'y est plongé. On a qu'une hâte, retourner s'enfermer dans son Wanzer pour mener son bataillon à la victoire.

le 31 janvier 2012
par sanjuro



Jeu testé en version japonaise
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