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TEST · REVIEW · CRITIQUECONSOLE SUPER NINTENDO (16-bit)


Quand les morts-vivants n'ont plus le goût de vivre.

Ghoul Patrol

Ghoul Patrol

グールパトロール
 

 Super Nintendo

Développeur:
Lucasarts /
Motion Pixel

Editeur:
JVC
Genre:
Action

Joueurs:
1-2P

Dates de sortie
11.1994 USA
1994 Europe
26.05.1995 Japon
dur Difficulté:

90%Graphismes
91%Animation
85%Son
71%Jouabilité
78%Durée de vie

70%70%
Trucs et astuces

mots de passe:

Japon: CP4V
Pirates: 7LBR
Moyen-Âge: KVCY

Mais où avais-je la tête en achetant ce jeu ? Si vous tenez vraiment à le savoir: dans la bouche d'un zombi. J'étais parti de bonne heure, direction ma boutique de jeux vidéo préférée, Gore-Games, sans écouter les infos à la radio qui m'auraient appris qu'un virus inconnu s'était répandu dans la ville. C'est en voulant payer mon jeu que le vendeur me saute dessus et commence à me grignoter l'oreille. Je le repousse évidemment, pensant tout d'abord qu'il s'agit d'un homosexuel un peu trop entreprenant. Mais il revient à la charge, mordant dans mon nez comme dans une gaufrette tout en enfonçant ses pouces dans mes yeux. Sans réfléchir, je m'empare d'une figurine Mario (celle avec le doigt levé) qui traîne sur le comptoir et lui plante d'un coup sec dans la tête. Le pauvre zombi-vendeur s'effondre à mes pieds, prononçant ces dernières paroles: "Gaaaame ovaaaa."

A ce moment — et tandis que son collègue s'acharnait sur l'oeil d'une cliente évanouie — j'aurais dû me douter que je faisais une erreur en achetant Ghoul Patrol. Mais que voulez-vous: si une fois j'ai eu la tête dans un zombi, dans ma tête, j'ai toujours eu un zombi, le Zombies, ce grand jeu de la Super Nintendo que j'aime autant que... que... qu'un mort-vivant aime manger du cerveau !

Ghoul Patrol est bien la suite de Zombies (parfois désigné sous son titre américain Zombies Ate My Neighbors), il n'y a pas à s'y tromper: on retrouve le couple Zeke et Julie, la vue haute inclinée, les dix victimes à sauver d'une mort imminente, les planques à fouiller. Le principe de jeu est quasiment identique et il n'est pas le seul, certains items et bruitages le sont aussi. Mais a priori, c'est à dire en feuilletant les magazines avant sa sortie, Ghoul Patrol s'annonçait plus sombre, plus beau, et on se disait qu'avec le thème horrifique qui est le sien cela ne pouvait lui être que bénéfique. Un oeil plus aguerri aurait remarqué cependant que ce n'est pas juste le graphisme qui s'est amélioré, c'est tout le style visuel et le design qui a changé, et ça, cela préfigure peut-être de moins bonnes surprises.

On ne sait pas trop où Julie et Zeke vivent, mais en tous cas c'est plus cool que par chez nous: leur bibliothèque de quartier organise une exposition sur le thème Fantômes et Démons des Temps Obscurs. Il n'y a pas foule apparemment, aussi visitent-ils tranquillement les lieux. C'est ainsi qu'en explorant, entre deux étagères, au fond d'un coffre, ils mettent la main sur un vieux grimoire. Bien sûr, ces deux nigauds récitent la formule interdite et les voilà qui réveillent un démon et ses cohortes malfaisantes dont ils devront se débarrasser en voyageant dans l'espace et dans le temps. Ma foi, tout ça rappelle un peu les films Evil Dead.

Comme on le disait un peu plus haut, on n'a aucun problème à reconnaître Zombies. La principale raison à cela est que Ghoul Patrol utilise le même moteur de jeu appelé familièrement ZAMN engine (ZAMN pour Zombies Ate My Neighbors, puisqu'il avait été développé pour lui), qui servit encore à d'autres titres Super Nintendo comme Big Sky Trooper. Pourtant, on s'en rend compte assez vite à la prise en mains, les différences sont nombreuses, et plus le temps passe, plus on comprend clairement que l'expérience n'est finalement plus du tout la même; on n'y éprouve plus le même plaisir. Pire encore, on peut se demander si celui-ci est encore présent.

Ca ressemble à un zombi mais ce n'est pas un zombi. Qu'est-ce que c'est alors ? Une imitation ? Une supercherie ? Un ivrogne amoché qui nous fait sursauter au détour d'une rue ? La jouabilité de Zombies, assez simple, n'était pas loin d'être parfaite. Cela peut sembler exagéré, mais en le mettant face à sa suite c'est ce qui en ressort. Et vouloir tenter d'améliorer ce qui est déjà parfait est une entreprise généralement vouée au désastre. La première mauvaise idée parmi les nombreuses qu'eurent les auteurs de Ghoul Patrol fut de vouloir ajouter des mouvements aux héros. Il n'y avait pas de saut dans Zombies, il était automatique dans certains cas, pour se jeter dans l'eau ou grimper sur les trampolines par exemple, et c'était aussi bien comme ça.

On dispose d'un bouton de saut maintenant, qui sert principalement à grimper sur les tables pour ramasser des objets ou se tenir hors de portée des monstres. Ce n'est pas mal, mais de toute évidence, ce n'était pas indispensable. On peut aussi courir et là les choses se gâtent. Ghoul Patrol n'est pas le genre de jeu où l'on devrait avoir besoin de courir; Zeke et Julie marchent moins vite que dans le premier jeu, mais il marchent encore assez vite. La course existe en deux vitesses, la seconde apparaissant quand on a trotté quelques secondes en ligne droite; on peut franchement se demander à quoi ça sert dans un jeu où la plupart des niveaux sont biscornus. Mais nous verrons plus tard que courir à une utilité dans Ghoul Patrol: en finir au plus vite !

On ne peut pas en dire autant de la glissade, le dernier des nouveaux mouvements, lui parfaitement superflu. Toutes ces galipettes ont forcé à revoir la configuration de la manette. Deux des quatres boutons servent toujours à sélectionner et utiliser les items mais c'est désormais la fonction, moins naturelle, de L/R et Select. Les boutons sur la tranche de la manette servaient auparavant à activer le radar, pour localiser les victimes. Celui-ci a été supprimé au profit d'un nouveau système de bulles de BD qui viennent constamment envahir l'écran. Il n'y a qu'à les suivre pour trouver le personnage qui les émet.

On note aussi un moment d'inertie quand on cesse de marcher. En somme, nos yeux reconnaissent autant Zombies que nos doigts ne le reconnaissent pas. D'un côté on se retrouve avec un personnage beaucoup moins agréable à manier, de l'autre avec des mouvements qui n'apportent pas grand chose de neuf si ce n'est un certain embarras. Mais ça ne s'arrête malheureusement pas là. Leur erreur fatale aura été de modifier de fond en comble l'armement. Comme un général américain l'a si bien dit: "tu peux casser ma maniabilité mais ne touche pas à mes flingues." Ils ont osé le réduire à cinq armes, ce qui fait qu'il y a désormais plus d'items et autant de potions !

L'arme par défaut, le pistolet à eau, a été troquée pour une arbalète à munitions infinies. Bouleversement sismique ! Tout l'aspect stratégique est réduit à néant ! C'est un problème de fond qui a des répercussions jusqu'au genre même du jeu: comme en témoigne aussi le tir des autres armes, il y a un arrière-goût de kill'em all et de shoot'em up qui n'existait pas dans Zombies, jeu d'action réfléchi, raffiné. L'effort de bien s'organiser, d'économiser ses munitions, n'a plus du tout la même importance, n'a plus du tout d'importance serait-on tenté de corriger. Et cela coûte cher à Ghoul Patrol, cela lui coûte tout ce qu'il avait à gagner de sa parenté avec Zombies. D'autres choix révélateurs viennent confirmer ce changement de direction: les clefs par exemple, dont l'acquisition était très limitée, l'est beaucoup moins; on peut en faire le plein à certains endroits. La densité d'ennemis est plus élevée mais surtout, certains d'entre eux, tels que les yeux, ont des mouvements géométriques au lieu d'être naturels.

Puisqu'on a commencé à parler des ennemis, achevons-les. Leurs sprites sont larges et, tout comme les victimes, se démarquent par la fluidité de leur animation. Mais que ce soit à cause de ces dimensions rehaussées ou de leur nouveau design, on ne prend plus le même plaisir à les envoyer ad patres. La majorité se regénèrent, infligeant des dommages avant même d'être apparus si l'on se tient au mauvais endroit; et si les forts sont moins résistants, les faibles le sont plus, en sorte qu'on avance vite sans rencontrer d'opposition majeure mais sans jamais non plus parvenir à se dépêtrer. On n'a qu'une hâte, sauver toutes les victimes et ficher le camp; même l'exploration est mise au rancart. Le premier jeu avait de ça aussi, mais pas à tout bout de champ. Et puis, il cultivait une sorte de stress salubre, quasi cinématographique, celui que l'on ressent quand les adolescents BCBG d'un film d'horreur sont poursuivis par un tueur fou.

Il y a des boss à la fin de chaque monde, massifs, remuants, agités d'une distorsion impressionnante qui les étire comme du chewing-gum et mettant en valeur une fois encore la qualité de l'animation. Mais ils brassent beaucoup d'air pour pas grand chose et on les expédie facilement. Les auteurs ont fait de nombreux choix étranges, de permutations imbéciles, remplacé de bonnes idées par de mauvaises, masqué leurs ratages créatifs derrière de beaux graphismes, comme de peindre un mur sans en avoir colmaté les fissures. Le bazooka, la meilleure arme avec la boîte de Pandore, a été transformé en une espèce de lance-boules merdique impossible à ajuster en pleine action et qui ne peut même plus servir à s'ouvrir des passages; la seule alternative pour cela devenant la potion. Mais fini le loup-garou, on prend l'apparence de la grande faucheuse, arme au poing. Elle a du style, c'est vrai, mais par définition cette noble dame est tout de même plus un passe-muraille qu'un casse-briques.

Vous voulez d'autres exemples de ce grand sabordage ? Eh bien, sautons à l'eau ! Auparavant, ce n'était peut-être qu'une surface uniforme bleue, mais on y nageait sans peine. Ils lui ont ajouté un scrolling et une traction verticale qui change de sens pour simuler le ressac, et il faut lutter contre elle en permanence. On préfère garder les pieds sur la terre ferme, ce qui n'est plus possible à partir de l'avant-dernier niveau qui est tapissé de pointes et percé de gouffres. On doit prendre son élan pour les traverser, sous peine de chuter et de perdre une vie. Ca aussi c'est une nouveauté: après l'influence des shmups, voici celle des jeux de plates-formes. C'est un coup de fouet à la difficulté plutôt mal venu, le niveau est long et pénible et ne retire rien au fait que Ghoul Patrol est un jeu court. Sagesse des imbéciles, le monde suivant n'ayant pas de mot de passe, traverser ce niveau est une étape obligatoire pour atteindre la fin.

Sans compter les boss, il y a 13 niveaux répartis inéquitablement entre 5 mondes. Le dernier, aux enfers ou dans quelque royaume ténébreux, n'en a qu'un seul et les autres deux ou quatre. Dans Zombies, les niveaux étaient en partie inspirés par les plateaux de tournage de films d'horreur, ici, l'influence viendrait plutôt des films d'époque: Japon médiéval, île des boucaniers, et Moyen-Âge, c'est un peu comme de se faire une soirée Dernier Samouraï - Pirates des Caraïbes - Braveheart. Graphiquement, il s'en sort plus qu'honorablement. Les surfaces sont variées, l'ameublement détaillé, il y a plein de petites choses qui donnent à l'intérieur des maisons un aspect douillet. Mais le problème, ce n'est pas le talent des artistes, c'est la nature du nouveau design. Aussi réussi soit-il, il passe une fois encore complètement à côté de ce qui rendait Zombies si exquis. Le pastiche de films d'horreur ayant été remplacé par un contenu beaucoup plus typique de jeu vidéo.

Quant au son, il est important de dissocier la musique des bruitages qui sont deux cas de figure complètement opposés. Si les pistes sont moins originales que dans Zombies, que certaines sont trop conventionnelles (aux Caraïbes, on a droit à du Cool Spot), il faut admettre que la majorité sont quand même très bonnes. L'instrumentalisation est solide et les notes angoissantes ne sont pas omises. Tout le début, la ville, et la seconde partie chez les pirates font une impression favorable. La musique se hisse comme ça au niveau du graphisme tout en restant plus fidèle à l'esprit original de Zombies. Avec les bruitages au contraire, cette fidélité devient un problème. C'est bien simple, à peu de chose près, c'est du copier-coller. Tous les cris, les chocs, les explosions, les tintements de l'interface sont les mêmes, parfois ils ont été un peu remaniés, parfois ils ont un nouvel usage, mais aux deux tiers, c'est Zombies qui fait tout le travail.

C'est la grande ironie de Ghoul Patrol. Le seul aspect de Zombies qu'ils auront suivi à la lettre, avec trop de précision, est celui qui profite le moins au produit final. Mais au fait, qui est ce "ils" mystérieux ? Qui sont les développeurs de ce jeu ? De l'équipe originale, il ne reste plus personne (seul Dave Warhol est co-crédité pour l'utilisation de ses bruitages). La nouvelle équipe comprend surtout des employés de Lucasarts et de Beam Software qui ont travaillé sur les Star Wars consoles, NES comme Super Nintendo. Le réalisateur est Kalani Streicher, l'homme derrière Super Star Wars, et l'on voit bien quelques similitudes entre les deux jeux (l'action, les tirs, la glissade).

C'est qu'à la base, il n'était pas prévu que ce projet devienne une suite à Zombies, mais le succès de ce dernier aura poussé Lucasarts à rempiler. Si Ghoul Patrol n'est pas mauvais en tant que tel, le constat est quand même sévère pour une raison essentielle: les auteurs n'ont absolument pas compris l'originalité de Zombies et ce pourquoi il était si bon; avec cette suite, ils lui ont retiré tout ce qui le rendait unique en son genre pour en faire un jeu d'action assez vulgaire lorgnant du côté d'un shoot. Et c'est vrai qu'il finit par ressembler plus à un Super Star Wars en vue de dessus qu'au Zombies qu'on aime tant. Malgré quelques bonnes idées (l'hôtel hanté, les zombis sans tête) et une réalisation soignée, l'ambiance, sans humour, est aussi décevante que le gameplay. Le level design est également nettement moins bon et, autre ironie mordante, les principaux bugs de Zombies (victimes condamnées, murs qui accrochent) sont eux toujours présents.

Toutes les références cinématographiques ont été oblitérées, l'hommage gigantesque à ces films d'horreur dont les adolescents sont aussi friands que connaisseurs n'est plus. Comme dirait Eddy Mitchell: "Il n'a plus aucune chance, c'était sa dernière séance, et le rideau sur l'écran est tombé."

le 11 juin 2010
par sanjuro



Jeu testé en version européenne
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